De nos jours, nombreuses sont les femmes qui hésitent pour diverses raisons à se lancer dans l'allaitement maternel, c'est une réalité qui peut surprendre plus d'un, mais n'empêche qu'au Maroc, pays des traditions, nous assistons depuis plusieurs années a un recul de cette pratique ancestrale. Il y a celles qui sont pour et celles qui ne veulent en aucun cas en entendre parler, elles évoquent par exemple des seins trop petits, le travail, la poitrine qui sera moins belle… La liste des idées reçues est impressionnante. L'allaitement maternel est un sujet qui revient très souvent au sein des couples, des familles, au niveau de la maternité, des services de soins santé de base (consultation pré-et post natale), même chose chez le gynécologue qui suit votre grossesse. Bref l'allaitement au sein est un débat qui ne laisse pas insensible, bien au contraire il déchaîne les passions. Le recul de la pratique de l'allaitement maternel au Maroc est une réalité qui ne peut souffrir d'aucune ambigüité puisque les chiffres sont très parlants et démontrent si besoin est que nous assistons à un véritable déclin qui est du reste constant dans le temps. Si on se réfère à l'année 1992, nous constatons que l'allaitement maternel était de 52 %, ce chiffre accuse une chute significative en 2004 et il ne représente plus que 32 % pour atteindre seulement 15 % en 2006, cette tendance à la baisse a certainement atteint aujourd'hui des chiffres que l'on peut aisément imaginer. C'est tout simplement inquiétant. Il est clair qu'au département de la santé les responsables sont parfaitement conscients de l'étendue et de la gravité de ce phénomène des temps modernes. Des décisions ont été prises pour tenter de relancer la pratique de l'allaitement maternel. C'est ainsi que des moyens ont été mobilisés pour la réussite de la «semaine nationale de promotion de l'allaitement maternel» qui a eu lieu du 11 au 17 octobre 2010. L'objectif assigné était de tout mettre en œuvre pour inciter les Marocaines à donner exclusivement le sein à leur nourrisson, au moins de 0 à 6 mois, la durée minimale recommandée par l'UNICEF, agence avec laquelle travaille par ailleurs étroitement le ministère de la santé. Une pratique en déperdition Le recul de l'allaitement maternel pour ne pas dire sa disparition, vient nous nous rappeler une réalité amère, celle de l'individualisme, du chacun pour soi, d'une société qui perd chaque jour un peu plus ses repères, ses traditions qui sont le ciment qui a toujours prévalu et qui maintient encore quelque peu ce qui reste comme us et coutumes. Nous sommes tous concernés par la question de l'allaitement maternel, n'est-il pas écrit dans le coran que les femmes doivent allaiter pendant 02 ans ? Nous n'irons pas jusque-là, mais encourageons cette pratique au moins pendant les 06 premiers mois de la vie. Mais pour ce faire, il faut que les femmes enceintes soient bien informées, bien éduquées, bien suivies, orientées pour qu'elles puissent bien choisir en connaissance de cause. Ce que nous constatons sur le terrain, c'est tout le contraire, très souvent les femmes sont livrées à elles-mêmes, mal conseillées d'abord par leur propre entourage, ensuite par les collègues de travail, les voisines et pour terminer même par les personnels de santé qui n'ont pas tous les compétences requises pour pouvoir bien informer et convaincre comme il se doit les femmes. Le choix pour opter ou non afin de donner le sein à son nouveau né ne peut pas se concevoir en un clin d'œil, c'est un projet qui doit bénéficier d'une préparation minutieuse. Toute femme enceinte désireuse de donner le sein devrait préparer son projet d'allaitement deux mois à l'avance, en exigeant notamment à ce que son bébé soit mis au sein dès sa naissance. Et c'est à tous les professionnels de la périnatalité, sages-femmes, gynécologues, nurses et pédiatres, que revient le rôle d'informer et d'accompagner les jeunes mamans dans l'allaitement. Ils doivent, entre autres leur démontrer les vertus du lait maternel et briser tous les préjugés autour, en expliquant par exemple aux mères actives qu'elles peuvent allaiter en travaillant. Il leur suffit juste de tirer leur lait et de le conserver pendant 48 heures au réfrigérateur et jusqu'à 3 mois au congélateur. Encore que ce n'est pas l'allaitement, mais la grossesse, et la perte de poids qui suit, qui fait s'affaisser la poitrine après l'accouchement. Il est évident que face à une première grossesse, une situation si nouvelle, face aussi aux modifications si profondes de leurs corps, face à cette mise en jeu de leur féminité, face aux angoisses sous-jacentes, nombreuses sont les femmes qui hésitent, qui ne savent plus quoi faire et il n'est pas étonnant que jaillissent avec force toutes sortes de préjugés qui finissent en l'absence d'une prise en charge efficace par écarter l'éventualité de l'allaitement maternel. En effet, depuis plus de 40 ans, les femmes ont désappris petit à petit les gestes élémentaires de l'allaitement et la transmission naturelle de ce savoir, qui a tendance aujourd'hui à disparaître comme nous l'ont confirmé les chiffres plus haut. La jeune maman se voit prodiguer des conseils contradictoires et perd très vite confiance en elle. A un moment où la femme aurait besoin d'être entourée, confortée, rassurée sur ses capacités et ses compétences, elle ne trouve que déstabilisation et doutes. Qu'en est-il du rôle des professionnels de la santé ? Il est évident que les professionnels de santé peuvent, à cet égard, jouer un rôle très important, c'est du reste une priorité du ministère de la santé qui fait partie du programme de surveillance de la grossesse ou encore la promotion de la santé de la mère et de l'enfant, la lutte contre la mortalité infantile. A l'évidence, il y a tout un panel d'actions qui sont destinées à renforcer et à encourager la pratique de l'allaitement maternel. Des actions qui doivent être continues dans le temps, le personnel de santé doit s'impliquer en éduquant les femmes, en donnant tous les renseignements susceptibles de les aider à mener à bien l'allaitement maternel, c'est un devoir, une responsabilité qui demande d'être à l'écoute des mères, de la dextérité, de la patience et de la disponibilité Mais est-ce toujours le cas ? Dans le registre de l'information, de la communication et de l'éducation, les médias ont aussi un rôle très important à jouer concernant la promotion de l'allaitement maternel grâce notamment à des émissions de TV, des articles de presse écrite, l'important c'est de bien cerner le sujet, de donner des informations claires, de démontrer tous les avantages de l'allaitement maternel. Un paradoxe Paradoxe. Alors que la pratique de l'allaitement maternel recule au Maroc, elle est de plus en plus répandue dans les pays scandinaves comme la Finlande où les femmes représentent 95 %, le Danemark. 95 %, Suède 90 %, Allemagne 85 %, Italie 75 % Mais ce qui inquiète encore plus, ce qui doit nous interpeller tous, c'est le fait que l'allaitement artificiel, le lait en poudre, le lait industriel, se répand de plus en plus même dans le milieu rural où pourtant les bonnes traditions sont ancrées et où l'allaitement maternel des nourrissons jusqu'à deux ans et plus faisaient partie des us et coutumes. La baisse de l'allaitement maternel est criarde en milieu urbain, on ne voit plus les femmes donner le sein à leurs bébés comme jadis, c'est démodé, archaïque, dévalorisant diront même certaines jeunes femmes. Mais le comble ce sont ces mendiantes en bonne et parfaite santé qui exposent des bébés avec un biberon et qui demandent une aide pour acheter des boites de lait en poudre. Pourquoi nourrir l'enfant au sein ? L'allaitement maternel est le meilleur moyen de fournir une alimentation idéale pour la croissance et le développement du nourrisson en bonne santé; il fait aussi partie intégrante de la maternité et il a des répercussions importantes pour la santé de la mère. Pour avoir une croissance, un développement et une santé optimaux, le nourrisson doit être exclusivement nourri au sein pendant les six premiers mois de la vie et au-delà. Quels sont les avantages de l'allaitement maternel ? L'allaitement renforce la relation entre la mère et l'enfant et il procure à l'enfant la sensation d'être aimé, le contact direct et la chaleur. L'allaitement est gratuit, le lait maternel est disponible partout et à chaque instant. L'allaitement n'a besoin ni d'énergie ni de substances polluantes. L'allaitement, de par la composition et la disponibilité optimales du lait maternel, influe de manière positive sur la croissance et le développement de l'enfant. L'allaitement a des effets bénéfiques sur la défense immunitaire. L'allaitement réduit le risque d'obésité, d'hypertension artérielle, de maladies cardiovasculaires, de cancer et d'allergies, et ce également à long terme. L'allaitement contribue au développement optimal de la musculature faciale et buccale ainsi que des mâchoires. L'allaitement réduit le risque de développer un cancer du sein chez la mère. L'allaitement favorise l'involution de l'utérus, réduit le risque d'hémorragies et les lochies chez la mère. L'allaitement aide la mère à mieux retrouver son poids d'origine. L'ensemble des professionnels de santé sont conscients de la nécessité de relancer cette pratique qui se perd avec le temps, ils savent qu'ils ont un rôle important à jouer et que grâce à leurs conseils éclairés, l'allaitement maternel devra permettre aux femmes de prendre les bonnes décisions.