1-De la question du Développement Durable (DD)3 L'expression «DD» est née, à l'initiative de la Commission Internationale pour Conservation de la Nature qui publie un rapport en 1980. La communauté internationale n'avait, cependant, pas droit à une définition valable que vers l987 avec la sortie du rapport Brundtland4 qui s'exprimait ainsi sur le sujet : «Un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs». En effet, les modèles de croissance, en vigueur jusque là, ont privilégié la production à outrance sans prêter la moindre attention à l'impact de leurs activités sur l'environnement. Nous verrons la réaction de la communauté internationale et nationale5 au constat inquiétant de l'environnement, avant de proposer une démarche sélective, souscrivant la responsabilité sociétale des entreprises pour un développement durable. 1.1-constat (ou genèse du problème) Au-delà des définitions, la question de l'environnement, en lien avec le développement durable, pose une double problématique à la fois théorique et pratique. 1.1.1-L'environnement en théorie : une question à la marge Le chercheur qui parcourt la théorie économique classique pour y déceler ne serait ce qu'un passage allusif quant au thème de l'environnement est frappé par l'avarice de cette discipline, en dépit de son abondance. L'explication à cette absence d'intérêt pour l'environnement, en lien avec le DD, est à rechercher dans les fondements mêmes sur lesquels est basée cette discipline, en l'occurrence, le principe de rationalité. En effet la théorie économique, tout au moins à ses débuts, était une discipline focalisée sur la production et la satisfaction d'un seul acteur : l'entrepreneur combinateur des facteurs de production. La fonction de production, qui s'écrit : P = f (K, L)6, est le point de départ vers des schématisations extrêmes : un monde où ne s'interfèrent que des courbes (Isoquants, iso coûts)7. Cette abstraction est fondamentale, sur le plan conceptuel du moins, puisqu'elle permet de sauver l'équilibre des constructions graphiques cher aux classiques et néo-classiques. En écartant le thème de l'environnement, la science économique a convertit les entreprises en de simples meccanos de production sans fibre écologique. Le concept de la nature stock J.B. Say8 va plus loin en affirmant que la nature, qu'il assimile d'ailleurs à un stock inépuisable, ne fait pas partie du domaine de la science économique. Le triomphe sur la nature Les fondements de base de l'économie classique que l'on peut résumer dans l'individualisme, la loi naturelle du marché et la non-intervention de l'Etat, encouragent la mise en place de la thèse de Descartes qui vante le mérite la technologie9 pour triompher sur la nature. Cette marginalisation conceptuelle de la question de l'environnement sera doublée d'une négligence sur le plan pratique. 1.1.2- L'environnement dans les faits Une production irresponsable L'approche, a écologique défendue par la théorie économique classique et soutenue par la philosophie de Descartes, sera mise à profit par une génération d'entrepreneurs avides de profit, de 1860, date de la révolution industrielle, à 1975. Le vent en poupe pour une production à outrance Appuyées par les préceptes d'une discipline sans fibre écologique, le contexte aidant10, les entreprises de la triade (UE, USA et Japon) se sont lancées dans une course effrénée vers le profit ; avec une cadence accentuée dans ce qui est convenu d'appeler l'ère des «trente glorieuses» (1945-1975)11. L'intérêt pour l'environnement : une crise de management Alors que le développement durable s'inscrit dans la durée, les dirigeants, eux, agissent en gestionnaires. Ils préfèrent, en cas d'infraction, payer l'amende (principe du pollueur payeur) que d'engager d'hypothétiques investissements de restructuration de l'appareil productif en faveur des technologies vertes. L'environnement dans les faits : un bilan plutôt mitigé Au rythme actuel d'exploitation des richesses, la dernière conférence climatique de Cancun12prévient contre une fracture écologique mondiale : menace de disparition des espèces animales et végétales, pénurie d'eau, avance du désert induisant un accès inégale aux ressources naturelles au détriment des pays pauvres. 1.2-Réaction au constat inquiétant de l'environnement Dès les années soixante du siècle dernier, l'environnement est le fait d'une frange de la population13 nostalgique du «way of life» de l'ère pré- industrielle. La réaction de la communauté internationale a mis beaucoup de temps pour réagir. Il s'agit d'une réaction après coup (approche pompier), l'exploitation à outrance des ressources a déjà produit ses effets : trou dans la couche d'ozone avec ses effets néfastes sur le climat et la biodiversité. 1.2.1-Niveau international : des sommets et des rapports Les sommets de la terre se sont alors succédés depuis la création du club de Rome en 1968, qui s'est posé comme mission de mener une réflexion sur les risque associés à une croissance sans fibre écologique. 1972 (Stockholm ,5 au 16 Juin), premier sommet de la terre14 qui cerna pour la première fois, sous le vocable «éco développement», la problématique d'une croissance qui respecte l'environnement. 1992 (Rio de Janeiro, 3au 14 Juin), médiatisation sur une grande échelle du concept «développement durable» conciliant l'économique le social et l'écologique. 1997, protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique (1 au 12 Décembre). 2002, dernier en date est le sommet de Johannesburg (26 au 4 Décembre), ratification du traité sur la conservation des ressources naturelles et la biodiversité, sommet qui voit pour la première fois la participation des entreprises. Cette chronologie des sommets de la terre traduit l'intérêt porté par la communauté mondiale au sujet de l'environnement depuis la sonnette d'alarme enclenché par un rapport au titre révélateur «Halte à la croissance» du club de Rome à l'occasion premier sommet de la terre de 1972. 1.2.2-Niveau national:une foison d'institutions Au Maroc, la version définitive de la charte nationale de l'environnement et du développement durable (CNEDD) est annoncée le 22 Avril 201015. La philosophie sous tendue par la CNEDD est déclinée en six principes : précaution, action préventive, principe pollueur payeur16, participation, responsabilité en matière de réparation des dommages causés à l'environnement, intégration des préoccupations de l'environnement dans toutes les politiques publiques. La prise de conscience du lien environnement, développement durable est concrétisée, d'abord, par la création d'un ministère dédié directement aux problématiques de l'environnement et du développement durable17, ensuite, par l'implication des différents autres départements ministériels. Si la thématique fédératrice reste la préservation de l'environnement pour un développement durable, chaque département intervient, en ce qui le concerne, selon ses compétences : enseignement supérieur (recherche scientifique), haut commissariat au plan (études prospectives), équipement et transports (rationalisation et décongestion), intérieur (note de contribution). Dans sa stratégie de préservation de l'environnement, le ministère de tutelle cible les axes suivants : aménagement des bassins versants, biodiversité (conservation et réhabilitation de la flore et de la faune sauvages), développement des aires protégées, fiche synoptique sur le secteur forestier et lutte contre la désertification18. La réponse des pouvoirs publics, au constat inquiétant sur l'état de l'environnement au Maroc, est perceptible via cette floraison de structures, sous forme de programme ou de commission de portée nationale ou régionale, dédiées aux questions de l'environnement et du développement durable. Citons, à titre d'exemple, CNE (Conseil National de l'Environnement19,CMPP ( Centre Marocain de la Production Propre),CNDD (Commission Nationale pour le Développement Durable) , PANE (Programme d'Action Nationale pour l'Environnement), PNE(Programme National de l'Environnement),PNLCD(Programme National de Lutte contre la Désertification),CPE(Conseil Provincial de l'Environnement) et CRE(Conseil Régional de l'Environnement). Il convient de mentionner également deux autres structures, sorte de veille écologique au Maroc, en l'occurrence : RAPIDE (Réseau d'Acteurs Partenaires et Information et Données de l'Environnement) et SIDE (Système d'Informations et de Données de l'Environnement). Ce papier s'inscrit dans une optique managériale20 et souscrit, par conséquent, la responsabilité des entreprises envers l'environnement. La raison du choix porté sur l'entreprise s'explique par le fait que c'est à la fois un agent producteur de biens et services, consommateur de ressources naturelles, mais surtout émetteur par excellence des gaz à effet de serre (GES). 2- Responsabilité des entreprises envers l'environnement Le DD a d'abord concerné les territoires (sommet de Rio 92) avant de faire son chemin vers les entreprises (sommet de Johannesburg 2002). Une entreprise certifiée ISO 14001, cela signifie qu'elle s'engage volontairement à contribuer aux enjeux du DD et partant à la mise en place du concept RSE21, un concept qui intègre les dimensions sociales et environnementales à côté du rôle économique classique de production de biens et services. Autrement l'entreprise certifiée ISO 14001, s'engage à répondre aux besoins du client sociétal représenté par la société civile (associations écologiques et humanitaires, partis verts,..). 21-le SME via la norme ISO 14001 ISO22 14001 est un référentiel donnant lieu à certification par tierce partie sur une base volontaire. La norme environnementale est initiée en 1996 et révisée en 2004 en vue d'une meilleure compatibilité avec la norme Qualité ISO 9001. La norme est générique en ce sens qu'elle assure une harmonie sur un triple plan: entreprise (quelle que soit la taille)23, secteur d'activité (industrie ou service) et pays. 2.1.1-Structure de la norme ISO 14001 La norme ISO 14001 est structurée autour de six chapitres24: engagement et politique, planification, mise en œuvre, contrôle et actions correctives, revue de direction. Les six chapitres peuvent être déclinés en exigences prioritaires comme suit : définition d'une politique environnementale, identification et analyse des impacts environnementaux significatifs, engagement au respect de la législation environnementale, définition des objectifs d'amélioration du programme environnemental, amélioration continue des performances environnementales, maîtrise des cas d'urgence25 et communication environnementale26. Une application réussie de ces chapitres exigences est de nature à conduire vers une performance environnementale par une amélioration continue dans l'atténuation des impacts et donc réduction des nuisances faites à l'environnement. 2.1.2-Avantages de la norme Prévention L'action préventive que sous tend la norme ISO 14001 est résumée dans les comportements suivants : réduire les rejets, augmenter les recyclages, produire et/ou utiliser les emballages biodégradables. Optimisation du management de l'environnement L'optimisation du management de l'environnement en entreprise comporte cinq rubriques : maîtrise des risques, maîtrise des coûts, conformité vis-à-vis de la législation, motivation du personnel et valorisation de l'image27. Omniprésence de l'environnement dans les actes quotidiens de l'entreprise Vers l'amont, achats verts (ce qui peut induire la certification des fournisseurs), vers l'aval, l'output n'est pas seulement un produit fini demandé et consommé par le marché, mais aussi un déchet qu'il faudrait savoir gérer (recyclage) pour ne pas nuire à l'environnement. Autorise une vision large du processus Processus et client sont bien soulignés dans les nouvelles versions 2000 et 2008 de la famille ISO 9000 des normes L'engagement dans une démarche de certification selon la norme ISO 14001 permet de lever la vision étroite du processus28 présente dans la gestion de beaucoup d'entreprises. Le processus consacre la transversalité de l'organisation et souscrit la responsabilité des différents intervenants depuis l'amont (rôle de l'approvisionnements : achats durables29 ), en passant par la production (technologies propres pour réduire les émissions de GES30, économiser l'énergie), jusqu'au Marketing qui doit, en collaboration avec la fonction R&D, véhiculer en interne vers les autres fonctions, notamment la fonction de production les profils d'un consommateur écologique ; sans omettre l'impact sur la fonction ressources humaines (sensibiliser le personnel aux impacts de l'activité de leur unité de production sur l'environnement, formation à la législation environnementale). La vision étroite du processus peut trouver son explication, d'abord, dans : la culture héritée des longues années de gestion taylorienne31 (production de masse), ensuite dans le statut de sous traitants32 d'un grand nombre d'entreprises : cas au Maroc du textile habillement et de l'automobile. Aubaine pour souscrire aux appels d'offres internationaux Dans la mesure où la certification ISO 14001 peut être exigée de la part de certains clients (grands donneurs d'ordre) à leurs fournisseurs (sous traitants), les entreprises qui n'auront pas réussi la mise à niveau de leur gestion sur le plan environnemental se verront marginalisées sur les marchés internationaux. 2.2-normes, dispositifs et outils en faveur de RSE C'est sous la pression d'une demande sociétale en mouvement (ONGs33, société civile, partis verts...), que le concept DD34 est amorcé dans le langage politique des institutions, dès 1980. Depuis cette date, un ensemble d'outils et dispositifs est mis en place pour souscrire la RSE. 2.2.1-l' Union Européenne et l'audit environnemental : EMAS EMAS, terme anglophone signifiant « Eco Management and Audit Scheme»que l'on peut traduire en SMEA (Système de Management Environnemental et d'Audit), est un règlement européen créé en 1995 par l'Union européenne pour cadrer des démarches volontaires d'éco management utilisant le SME Toute entreprise déjà certifiée ISO 14001 obtient un certificat EMAS si elle publie une déclaration environnementale conforme aux critères de l'EMAS35. EMAS œuvre depuis 2000 à la promotion des normes allant dans le sens du DD. Il détaille les procédures pour la participation volontaire des entreprises à ce système d'audit sur leur management environnemental et la mise à disposition du public des résultats d'audit36. Les entreprises qui acceptent d'être auditées sur leur état d'avancement en matière du respect de l'environnement reçoivent un LOGO –EMAS. Ainsi à l'audit des comptes classique (comptabilité, finance), s'ajoute un audit social et environnemental qui renforce l'image de l'entreprise auprès du public. L'inscription dans l'EMAS est un gage qui prévient «l'Eco blanchiment», une pratique de manipulation de certaines multinationales en mal d'éthique, qui consiste à communiquer (campagnes publicitaires) sur l'engagement responsable envers l'environnement et à agir à l'encontre de l'environnement37. 2.2.2-Marketing éthique et DD Un nouveau rôle de la fonction Marketing dans une perspective développement durable: Mener des campagnes de sensibilisation auprès des consommateurs sur les enjeux du développement durable, transmettre aux autres fonctions de l'entreprise, notamment au département production les nouvelles tendances (ou profils) du consommateur écologique type, lutter contre «l'éco blanchiment»38. 2.2.3-SA800 Sigle anglophone signifiant (Social Accountability Standard 8000, outil qui concerne les conditions de travail, le travail des enfants et le travail forcé39. 2.2.4-Clauses d'achats durables Lors des procédures d'appels d'offres par exemple, certaines entreprises pour étoffer leurs dossiers dans l'espoir de remporter le marché, utilisent une encyclopédie exhaustive des clauses d'achat durables. 2.2.5-Management Intégré de la Qualité (MIQ) et DD Les considérations économique, sociale et écologique font partie du MIQ ou le fameux QSE (Qualité, Sécurité, Environnement) de la norme environnementale ISO 14001. Le MIQ permet de concilier l'entreprise avec l'environnement et répondre ainsi aux préoccupations du développement durable, résumées dans la trilogie : progrès économique, justice sociale et préservation de l'environnement. En effet,la définition classique du fameux rapport de Brundtland de 1987, basée sur la préservation de l'environnement et la consommation prudente des ressources naturelles a été remplacée40 par une définition beaucoup plus globale intégrant progrès économique, justice sociale et préservation de l'environnement, triptyque que retient d'ailleurs, le MIQ ; une opportunité offerte aux entreprises afin d'optimiser les référentiels : ISO 9001 (sur le SMQ), ISO 18001 sur la santé et la sécurité au travail et ISO14001 sur le SME41. Le concept RSE42 au niveau de l'Union Européenne consacre ce triptyque, que l'on peut traduire en politique des 3P (planète, personnes, profit)43. C'est le sommet de Johannesburg44 de 2002 qui voit pour la première la représentation des entreprises45. C'est à cette même époque (2001-2002) que le DD apparaît en France comme une nécessité pour les entreprises de rendre compte des conséquences sociales et environnementales de leurs activités par rapport aux exigences de la société civile46. Au Maroc, l'engagement socialement responsable de la CGEM47 est perceptible via la formulation de sa charte RSE48 en 2006. Cinq commissions ont été instituées dans ce sens à savoir : relations sociales et emploi49, label CGEM, éthique et déontologie, prévention des risques et développement durable. Les thèmes cernés par les cinq commissions peuvent être déclinés en obligations faites aux entreprises membres de la CGEM de : respecter les droits humains50, protéger l'environnement, prévenir la corruption, observer les règles de concurrence loyale, renforcer la transparence du gouvernement d'entreprise, protéger les intérêts des clients et des consommateurs, promouvoir la responsabilité sociale des fournisseurs et sous-traitants et développer l'engagement sociétal. Conclusion Le SME est un préalable pour toute entreprise désireuse de mieux maîtriser ses impacts environnementaux. Il ne garantit, cependant pas, la conformité aux lois et règlements. En effet, la vérification en vue de la certification concerne uniquement le respect des exigences de la norme ISO 14001, et non le respect des règlements dont la surveillance échoit aux pouvoirs publics. Le DD appelle une solidarité spatiale (coopération Nord Sud) et temporelle (entre générations) et souscrit la responsabilité de trois acteurs majeurs : entreprises, collectivité (Etat, collectivités locales) et société civile. Ainsi, le SME selon le référentiel ISO14001 est proposé à tout type d'organisation publique ou privée industrielle ou de service. Si ce papier a souscrit en priorité la responsabilité de l'entreprise, il n'empêche que la norme environnementale ISO14001 peut être un outil efficace pour accompagner les projets de développement durable des collectivités locales dans leurs territoires respectifs51.