De la délocalisation à la colocalisation Apparemment, la France n'a nullement l'intention de lâcher le Maroc sur le plan des investissements ni d'abandonner son statut de partenaire économique de premier choix du royaume. Même dans un contexte délicat marqué par des difficultés de financement et par une récurrence du problème de l'emploi, la France semble tentée d'expérimenter de nouvelles formes de partenariat. C'est dans cette perspective que le concept de colocalisation fut proposé aux acteurs économiques des deux rives de la Méditerranée. Signalons que la France emprunte un modèle que l'Allemagne avait mis au point avec certains pays de l'Europe de l'Est au lendemain de la chute du mur de Berlin. Le concept fut particulièrement mis en avant lors de la visite du Premier ministre français au Maroc, au mois de décembre de l'année 2012. Il semble tirer sa légitimité des limites et des craintes que le concept et la pratique de délocalisation avaient engendrées, en termes d'emploi et de compétitivité pour l'économie française. Du côté marocain, les appréhensions concernaient essentiellement la probabilité d'un retour en France des entreprises de l'hexagone délocalisées sur le territoire du royaume à l'instar des centres d'appel. Dans un tel contexte, le Premier ministre français avait tenu à rappeler que le défi réel était de forger une formule rénovée de coopération. La colocalisation a été alors présentée comme la nouvelle configuration du partenariat économique franco-marocain se basant sur un esprit de gagnant-gagnant. Au lieu de démanteler la production dans un pays et l'implanter dans un autre où les coûts sont moindres, ce qu'est la délocalisation, il s'agit désormais d'une co-production où chaque site a un rôle dans la chaîne, en tenant compte de sa compétitivité et de sa plus-value vis-à-vis de l'ensemble. L'idée de base est que la France a besoin de relais et de marchés pour sa croissance. Le Maroc, lui, entend bénéficier de la technologie française. Il s'agit donc d'imaginer un nouveau cadre d'échange qui serait équitable et fructueux pour les économies des deux parties. C'est dans ce cadre que les deux pays ont procédé, le 12 décembre 2012, à la signature d'une «Déclaration maroco-française pour la colocalisation industrielle». La colocalisation prônée par la France et le Maroc devrait favoriser une association équilibrée des deux rives de la méditerranée en matière de production. Le partenariat ainsi conçu devrait être un laboratoire de révision des rapports entre le Nord et le Sud et d'une coexistence dans le respect et dans la reconnaissance des atouts et des contributions de l'autre. *Professeur à la faculté de droit de Meknès Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales