Cas de Foum Zguid Au cours des tables rondes organisées à Foum Zguid, en marge du festival du henné, tenu les 26, 27 et 28 janvier 2013, Alla Elayachi, ingénieur d'Etat statisticien, économiste, du Réseau marocain de l'Economie sociale et solidaire (REMESS), a présenté, en arabe, une importante communication sur «les réalités de l'économie sociale et solidaire et le développement local». Nous présentons, ci-après, la traduction de la communication de l'intervenant, faite par l'auteur lui-même. Se basant sur des principes fondamentaux tels que la coopération et l'entraide, la solidarité, l'équité, la démocratie et la transparence, l'économie sociale et solidaire porte, notamment, sur des entités productives de biens et de services petites et moyennes, et qui peuvent grandir en fonction de l'élargissement global du processus de production et de commercialisation. Elle se base sur ce qui est appelé «commerce équitable» dont les tarifs sont fixés à «un juste prix» qui permet de couvrir, outre les coûts de productions, la couverture des charges des besoins essentiels de base, tels que la scolarisation, l'habitat et la couverture sociale. Elle est, donc appuyée par des actions sociales nationales décentralisées ou portées par des entités locales ou régionales autonomes. L'économie sociale et solidaire se caractérise également par l'absence d'intermédiaires dans les cycles de commercialisation. Deux axes sont à examiner concernant les réalités de l'économie sociale et solidaire (ESS), l'un portant sur les tendances de l'ESS au Maroc, l'autre sur ses réalités et perspectives dans la région de la province de Tata et plus particulièrement à Foum Zguid. Dynamique de l'ESS au Maroc Au Maroc, l'économie sociale et solidaire s'est consolidée ces dernières années, parallèlement au renforcement du processus de production et d'échange et à l'élargissement de la sphère de distribution. En effet, le tissu des coopératives de production de biens et de services s'est accru et renforcé de manière très significative, coopératives travaillant isolément ou regroupées sous forme de groupements d'intérêt économique (GIE), de syndicats ou d'associations. Des coopératives de produits agricoles, par exemple, sont ainsi devenues des mastodontes, concurrençant/complétant de grandes firmes privées dans le secteur. De même, les réseaux mutualistes se sont consolidés dans plusieurs branches d'activités, telles que le transport, la couverture sociale, la santé, les services, etc. Il en est de même des projets à vocation sociale et ceux relatifs aux activités génératrices de revenus, renforcés depuis 2005 grâce notamment à la dynamique de l'Initiative nationale du développement humain (INDH). C'est, ainsi que l'INDH a réalisé, de la date de sa création à nos jours, 22.900 projets au profit de 5,2 millions de bénéficiaires, pour un montant de 14,6 milliards de dirhams. Dans cette dynamique d'ensemble, des organismes publics d'appui à l'économie sociale et solidaire, tels que l'Entraide nationale (EN), l'Agence de développement social (ADS), l'Agence de développement agricole (ADA) dans sa filière de produits de terroirs ou l'Agence nationale de développement des zones oasiennes et de l'arganier (ANDZOA), ont été créés et renforcés. Dans la sphère de financement, des fonds de financement ont été mis en place et les associations de microcrédit se sont consolidées, dont la création du Centre Mohammed VI de soutien à la micro-finance solidaire, constituant un espace de développement du microcrédit et un observatoire de la micro-finance. Le tissu associatif s'est davantage développé. On dénombre, en effet, plus de quarante cinq mille associations en 2008, travaillant pratiquement dans tous les domaines d'activités, dont celles exerçant, même si le cadre juridique d'exercice d'activité est inadéquat, dans la sphère de production de marchandises. Des réseaux associatifs puissants se sont tissés, liés de surcroit aux partenaires étrangers publics ou privés, multilatéraux ou non gouvernementaux. Des textes législatifs et réglementaires, tels que ceux des certificats d'appellation d'origine pour les produits agricoles par exemple, ont été produits et des organismes de commercialisation et d'appui à la consommation, comme Maroc Taswiq ( portant sur les magasins solidaires) et Slow Food Maroc, ont été initiés. Réalités de l'ESS à Tata et à Foum Zguid Deux caractéristiques majeures sont à souligner, quant aux réalités économiques dans la province de Tata et plus particulièrement à Foum Zguid : le potentiel de développement important basé sur une économie oasienne et la faiblesse de l'ESS. Les potentialités de développement de la province de Tata sont multiples. Agriculture oasienne, basée sur les palmiers dattiers, à Akka dans le cercle de Tata, olives et huile d'olive à Taghjijt, élevage caprin et de la race «Demmane», artisanat, commerce et services, tourisme solidaire, constituent les branches d'activités essentielles de la région. A Foum Zguid, ces potentialités consistent en une économie, également oasienne et saharienne. Le secteur agricole primaire est constitué de palmiers dattiers, du henné, de la luzerne pour aliment de bétail et de l'élevage, notamment celui de la race «Demmane». La sécheresse et la salinité de l'eau, dont pâtit la région, a conduit à la dégradation des plantations et cultures et a été, entre autres, à l'origine de l'exode rural. Au secteur secondaire, on trouve, dans la région, un artisanat ancien, portant sur la production des tapis et d'articles divers, à base de feuilles de palmiers, d'articles de broderie, etc. La production de tapis est ancestrale. Déjà en 1978, une coopérative locale fut distinguée, en la personne de Fatima Bahou, primée pour la fabrication d'un tapis à double face. Au secteur tertiaire, le commerce est florissant. Il en est de même du tourisme, des auberges ayant été construites pour le séjour touristique. Sur le plan culturel, les oasis locales abritent chaque année un moussem local, comme à Tissint, ou régional et national, comme le festival du henné de Smira et Foum Zguid, constituant des espaces de divertissement culturel, des sites de commercialisation des produits régionaux, des lieux d'échanges et des actions phares pour le marketing territorial. Au niveau des richesses humaines, la dynamique associative est à souligner, Foum Zguid comportant une centaine d'associations travaillant dans divers domaines d'activités Faiblesses de l'ESS locale malgré la dynamique sociale Malgré ces richesses et cette dynamique sociale, l'ESS locale à Foum Zguid reste faible, en raison de la faiblesse du processus de production et d'échange. L'agriculture oasienne étant à la base de la production, elle reste impactée par les facteurs climatiques et par la salinité des eaux. Certes la nappe phréatique est bénéfique, mais elle est conditionnée par des regroupements de petits agriculteurs à envisager, pour bénéficier d'une irrigation collective. Des petits barrages pourraient être édifiés pour l'irrigation, le cercle de Foum Zguid étant jonché par des rivières, comme celle de Tissint ou de Smira. On ne recense que trois coopératives agricoles, malgré la richesse agricole, le henné, produit phare de la région, étant produit encore par tissu associatif et non coopératif. La même remarque peut être faite, s'agissant de l'artisanat, produit, essentiellement par des regroupements associatifs, se heurtant ainsi aux facteurs de blocage, tant en matière de production et de commercialisation, qu'en matière de distribution de revenus. Le tourisme solidaire est également à mettre à niveau pour le professionnaliser et l'inscrire dans les circuits nationaux et internationaux. Perspectives d'avenir de l'ESS locale L'une des priorités régionales est de valoriser les richesses et potentialités de développement local. Dans ce cadre, outre les infrastructures d'eau d'irrigation à construire par l'Etat, des regroupements d'agriculteurs peuvent être envisagés pour bénéficier d'un système d'irrigation collectif, et pour produire et commercialiser collectivement des dattes et du henné, produits phares de la localité. L'élevage d'ovins de la race « Demmane» peut être développé, ainsi que celui de lapins pour de générer des revenus aux agriculteurs. La coopérative étant le cadre juridique adéquat pour la production et la commercialisation des produits, elle devrait se substituer à la forme associative de regroupement enregistrée. Déjà, des initiatives de regroupements de femmes pour la commercialisation du henné ont été prises. De même, les agriculteurs souhaitent se regrouper en coopératives pour mutualiser les efforts. Au niveau de l'artisanat, l'apprentissage du tapis est à engager pour suivre l'élan des autres régions telles que celle avoisinante de Taznakht, connue pour ses tapis «berbères» au niveau national et international. Du côté touristique, un tourisme solidaire professionnel est à développer. Des unités d'hébergement et de restauration sont à construire pour répondre à la demande. En matière de ressources humaines, des coachings et des actions d'appui et d'accompagnement aux associations, déjà regroupées pour vingt cinq d'entre elles en réseau sous forme de ligue, sont à initier. En matière culturelle et sportive des initiatives comme celle du festival du henné devraient être menées pour renforcer l'animation locale. Enfin, un marketing social global est à initier pour promouvoir le développement local et inscrire la région dans les destinations nationales et internationales souhaitées.