«Chaine humaine» contre les violences faites aux femmes C'est au sein de la gauche que cette militante engagée a appris que les droits des femmes comptent beaucoup dans le projet de démocratie et de citoyenneté qu'elle ne cesse de défendre. Asma El Mehdi qui reste une ancienne routière sur la voie de la défense des droits humains, continue son bonhomme de chemin. Décidée et déterminée, cette militante féministe, très active au sein de l'Association Initiatives pour la protection des droits des femmes, ne lâche pas prise. Samedi à Rabat, lors de la chaîne humaine, a une nouvelle fois donné une énième preuve de son engagement inlassable. Entretien. Al Bayane : Pourquoi une chaîne humaine en ce moment ? Asma El Mehdi : D'abord pour la symbolique même de la chaine qui avec sa forme même : main dans la main, cela symbolise la solidarité. C'est aussi une forme qui nous permet de donner de la visibilité aux victimes de violence de genre et qui sont porteuses elles-mêmes de leur propre cause. La chaine humaine nous offre aussi la possibilité de donner de la visibilité, comme vous avez pu le voir samedi (NDLR. 8 décembre), aux récits de vie de chaque victime présente et qui est passée par les centres d'écoute affiliés aux associations membres du mouvement. Dans cette opération, vous avez focalisé votre action sur l'aspect pénal pour le changement de la condition féminine, pourquoi ? La coalition «Printemps de la dignité» s'est constituée pour cette raison : un changement radical et global de la législation pénale. Et si la coalition s'est constituée, c'est justement parce qu'il y a urgence. Il y a urgence de la réforme parce que la législation pénale (c'est-à-dire le code et les procédures pénales) ne sont plus adaptées à l'évolution de notre société et que les différents centres d'écoute mis en place par les associations reçoivent au quotidien des milliers de femmes, lesquelles, après avoir été victimes de violences de genre parce-que la loi ne les a pas protégées, n'arrivent pas à obtenir réparation auprès de ceux qui leur ont causé du tort. Il y a urgence parce que des femmes meurent suite à des avortements non assistés médicalement et que le coût économique et social de l'abandon des enfants et de l'exclusion de mères célibataires est très grand. Il y a urgence parce qu'il y va de la dignité même de la femme marocaine. Il y a urgence parce que le gouvernement, en phase d'harmonisation des lois avec la constitution, oublie trop souvent le sexo-spécifique dans ses réformes Quelle a été la réponse du chef du gouvernement à votre mémorandum du «Printemps de la dignité»? Jusqu'à présent, nous n'avons pas l'impression que le chef du gouvernement est conscient de la gravité de la situation ni qu'il considère cette question comme prioritaire. C'est-à-dire qu'il ne daigne pas apporter un quelconque intérêt à ce genre de problème. Peut-être que cela ne vaut pas la peine d'être soulevé comme problème dans le Maroc d'aujourd'hui, selon lui ! Trouvez-vous que les forces vives soutiennent votre initiative ? Oui, la chaine humaine de solidarité avec les femmes victimes de violences basée sur le genre a effectivement été énormément mobilisatrice : un nombre très important d'organisations droits humains, droits des femmes, de développement démocratique ont exprimé leur soutien actif et ont été présentes lors de la constitution de la chaine de solidarité. Des électrons libres se sont aussi joints à notre appel à la solidarité avec les victimes. La toile aussi témoigne de cet appui : 1000 ports de badge, plus de 10.000 invitations à l'évènement et donc plus de 10.000 partage, tout en sachant que les militantes associatives ne sont pas toutes très impliquées dans ces actions facebook, des Marocaines et Marocains du monde nous ont envoyé des messages de soutien émouvants. Ils et elles ont réservé leurs billets pour le huit. Certains se sont portés volontaires pour réaliser des affiches, des spots, et des pins ont été payés par une Marocaine du monde. Le mouvement des démocrates marocains à l'étranger a prévu des actions hors Maroc, et j'en passe. Quelle sera votre initiative ultérieure au cas où le gouvernement ne satisfait pas vos revendications ? C'est quelque chose que nous annoncerons en son temps certainement. Pour l'instant, nous allons nous pencher sur l'évaluation de l'action «Chaine humaine» et son impact sur le parcours global de notre combat.