Redoubler de vigilance Une période de grand froid s'installe actuellement sur tout le territoire national, et plus particulièrement sur les hauteurs et zones montagneuses, où le thermomètre enregistre des températures allant jusqu'à -10° dans la nuit (Ifrane). Il n'est donc pas superflu d'attirer l'attention des uns et des autres sur les risques pour la santé que peuvent engendrer ces changements climatiques où se mêlent à la fois le grand froid, le vent glacé, la neige, les températures polaires. Si Ifrane, Azrou, Midelt, El Hajeb ou Kasbat Tadla, Beni Mellal sont des villes réputées pour leur grand froid en période hivernale, surtout la nuit, ailleurs, en journée, il fait parfois beau comme le week-end dernier où les températures maximales ont atteint 16° en journée et 06° le soir au niveau de presque toutes les villes du Maroc, à l'exception de Marrakech, Agadir , Essaouira ou Tan-Tan, où on a relevé 21° le jour, mais ou le thermomètre descend à 8 ou 11° le soir. Qui dit froid fait référence aux maladies de l'hiver, mais aussi aux nombreux problèmes inhérents à la baisse de la température. Principaux risques pour la santé Les conséquences directes du froid sur l'organisme sont avant tout locales. Il faut prendre garde aux gelures, qui surviennent par agression de la peau ou des muqueuses. Les cellules gèlent, exactement comme de la viande au congélateur. Il existe plusieurs stades, de la simple engelure, superficielle et réversible, jusqu'à la gelure profonde, qui peut atteindre les os et nécessiter une amputation. Le phénomène peut être très rapide et est aggravé par le vent. A -10°, avec du vent, quelqu'un qui essaierait de dégager sa voiture d'un fossé peut se retrouver avec un doigt ou une oreille gelée en quelques minutes. Le gros risque, c'est l'hypothermie. Dans ce cas, c'est la température centrale du corps qui baisse. Les fonctions vitales ralentissent alors progressivement, ce qui peut aller jusqu'au décès, par deux mécanismes. Si les fonctions cérébrales sont atteintes, elles aboutissent à l'endormissement et à la mort. De même, le cœur ralentit jusqu'à s'arrêter ou fibriller, c'est-à-dire fonctionner de façon anarchique et inefficace. C'est ce qui arrive aux sans domicile fixe (SDF) lorsqu'ils sont exposés de façon prolongée à des températures extérieures très basses comme c'est le cas en ces temps de froid et de pluie. Les maladies du froid sont principalement les infections ORL ou respiratoires. D'abord parce que l'organisme consacre beaucoup d'énergie à lutter contre le froid, et en a moins pour se défendre contre les germes. Il est donc affaibli. Ensuite parce que quand il fait froid, les vaisseaux sanguins se contractent pour se défendre, et se dilatent au contraire quand on retourne au chaud. L'alternance constriction-dilatation augmente la vulnérabilité aux germes. On relève aussi les épidémies de grippe ou de gastro-entérite qui surviennent en hiver, période où les gens vivent dans des atmosphères confinées qui favorisent la transmission. Le froid pourrait diminuer la résistance immunitaire face aux maladies respiratoires infectieuses. Par ailleurs, l'inhalation d'air froid déclenche une broncho-constriction, spécialement en cas de broncho-pneumopathie chronique obstructive. Les situations d'air sec (humidité relative basse) semblent plus fréquemment associées aux pics saisonniers des infections respiratoires, La faible humidité pourrait dessécher les muqueuses et donc réduire leur résistance à l'infection. La pollution atmosphérique constitue un facteur de risque supplémentaire. D'autres maladies plus graves peuvent aussi subvenir ou être aggravées par le grand froid. En premier lieu, les troubles cardiaques, touchant les artères coronaires. Le phénomène de constriction des vaisseaux peut avoir de graves répercussions chez ces patients. C'est d'ailleurs pour certains, à l'occasion d'un épisode de grand froid, de découvrir leur maladie. Chez les asthmatiques, le froid agresse directement la muqueuse respiratoire et peut provoquer des crises. Dans tous les cas, il est important, avant de s'exposer à des températures très basses, de vérifier que son traitement est bien équilibré et que la maladie est maîtrisée. Les personnes à risque Il s'agit principalement des personnes souffrant d'une maladie cardiaque, respiratoire, les personnes âgées ayant des troubles cognitifs, les nouveau-nés et les nourrissons et des personnes souffrant d'autres maladies chroniques : diabète, maladies de la thyroïde, maladies arthritiques (prise d'anti-inflammatoires), addiction, maladies psychiatriques, insuffisance respiratoire et asthme, personnes sous médication (somnifères, psychotropes, anti-inflammatoires...). Les personnes en situation de précarité, les SDF qui dorment souvent a même le sol et qui n'ont pour couverture que des cartons constituent un drame social qui est malheureusement occulté. Plus grave, le Centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc (CAPM) a enregistré, en 2010, 1.534 cas d'intoxications par le monoxyde de carbone, dont 29 décès, durant les périodes de grand froid. Les chauffe-eau à gaz font en effet chaque année plusieurs victimes Les intoxications par le monoxyde de carbone sont une cause importante de mortalité au Maroc, dans un contexte domestique ou professionnel. Il en est aussi de même pour les dispositifs de chauffage traditionnels à savoir le brasero «kanoun» qui est un facteur de risque d'intoxication au monoxyde de carbone Les intoxications accidentelles sont principalement générées par des installations de chauffage ou de production d'eau chaude non conformes, vétustes, mal entretenues, ou utilisées de façon inappropriée. Des conditions météorologiques particulières interfèrent parfois avec ces dysfonctionnements techniques (mauvaise évacuation des gaz brûlés, refoulement par défaut de tirage...) et concourent à la survenue d'intoxications à l'intérieur des logements. Les intoxications oxycarbonées se produisent principalement de novembre à février (période de chauffe). Toutes les populations semblent concernées par les intoxications oxycarbonées même si les conditions de précarité sociale et financière sont des facteurs aggravants. Précautions En cette période hivernale où le thermomètre enregistre parfois des températures auxquelles nous ne sommes pas habitués, il convient d'être prudent et prendre toutes les précautions qui s'imposent durant les vagues de froid. Il est vrai que, en journée, il fait relativement doux, mais le soir il fait frisquet. Pour bien se protéger voici quelques petits conseils. S'habiller L'équation de la tenue vestimentaire idéale en hiver, c'est trois couches pour trois impératifs. - Des vêtements humides et c'est le coup de froid assuré. Un sous-vêtement type t-shirt près du corps permet d'absorber la transpiration et de l'évacuer. Il existe des textiles aérés particulièrement adaptés aux sportifs qui font très bien l'affaire, contrairement au coton qui garde l'humidité. - Le meilleur ennemi du froid, c'est la chaleur. Lapalisse n'aurait pas dit mieux. Une seconde couche, donc, pour conserver les précieuses calories. Pour la forme, faites selon vos goûts. Pour la matière, préférez les fibres polaires, qui sont aérées et garantissent une meilleure isolation thermique que la laine. - La touche finale doit vous permettre de barrer la route au vent, allié de choix du froid. Optez pour un vêtement en matériau coupe-vent et imperméable. N'oubliez pas de vous couvrir la tête, par laquelle vous pouvez perdre 30 à 50% de chaleur corporelle. De même, la bouche et les mains sont des sources de déperdition de chaleur, protégez-les. Manger et boire Gare aux idées reçues qui consistent a dire qu'ils faut manger gras , ce n'est pas vrai et ca peut même faire mal . Un régime adapté au grand froid doit avant tout être équilibré et riche en vitamines, sels minéraux et oligo-éléments. Des fruits et des légumes, en somme. N'oubliez pas les protéines et les sucres lents, et consommez de la viande, du lait, du poisson, des pâtes, du pain et autres féculents. Les fruits secs sont aussi recommandés. Pour les boissons, ne lésinez pas sur la quantité. Le froid a tendance à déshydrater, et le chauffage aussi. Eau, jus de fruits et boissons chaudes à volonté. Se chauffer La température idéale, c'est 19 degrés: ne surchauffez donc pas votre maison ou la pièce ou vous passez le plus de temps. Si vous êtes vraiment frileux, ajoutez une couverture sur votre lit ou passez un gilet. Et si vous utilisez un chauffage, pensez à le faire vérifier et ne le poussez pas à fond pour éviter les incendies ou les intoxications au monoxyde de carbone qui cause chaque année des décès Fermez les portes des pièces inutilisées, mais n'obstruez pas les bouches d'aération. Pensez aux autres Certaines personnes, comme les enfants, les personnes âgées et les patients atteints de maladies chroniques, sont particulièrement sensibles au grand froid. Redoublez de vigilance envers ceux que vous côtoyez quotidiennement, et prenez des nouvelles de ceux que vous ne croisez pas tous les jours. Personnellement j'ai une pensée immense pour tous les citoyens qui n'ont pas de maisons, qui n'ont pas de toit, celle et ceux que la vie n'a pas gâté et qui sont sans-abris, ceux qui vivent dehors dans ce froid glacial et qui n'ont pas de repas chaud, pas de couverture douillette et pas d'amour. Ou est la justice sociale, où est l'équité, où est le droit pour tous ? Mais c'est là un autre grand problème qui nécessite un grand débat.