La Société Marocaine de Neurologie organise en association avec la Fédération Mondiale de Neurologie le 20ème congrès mondial de neurologie au Palais des congrès de Marrakech du 12 au 17 Novembre 2011. Ce congrès est organisé sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Ce congrès sera organisé pour la première fois en Afrique et dans un pays arabe. Plus de 300 conférenciers de renommée mondiale traiteront des principales maladies neurologiques tels que l'épilepsie, les accidents vasculaires cérébraux, la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson et les maladies neuromusculaires. Le sujet d'actualité en matière de neuroscience sera aussi abordé, comme la neuro-oncologie, la neuro-génétique, le traitement par les cellules souches ou le traitement chirurgical de la maladie de Parkinson. Plus de 40 cours et ateliers pratiques seront organisés pour la formation continue des neurologues. Par ailleurs, la fédération mondiale de neurologie organisera entre les équipes des pays participants au congrès le Tournament of minds, des tournois internationaux sur les connaissances neurologiques. 3000 participants sont attendus pour cette réunion scientifique, venant de différents pays pour échanger leurs expériences en matière de recherche et de soins des maladies neurologiques. Le congrès mondial sera aussi l'occasion pour les neurologues marocains d'une part de présenter leurs travaux de recherche en neurologie et d'autre part de développer avec la Fédération Mondiale de Neurologie des collaborations en matière de formation et de recherche sur les maladies neurologiques au Maroc. A cet effet, la Société Marocaine de Neurologie (SMN) a organisé une conférence de presse pour présenter l'état d'avancement du congrès mondial de neurologie, mais aussi et surtout pour attirer l'attention sur les conditions de prise en charge des maladies neurologiques dans notre pays. Les maladies neurologiques au Maroc Dans son rapport sur le Fardeau Global des Maladies, l'OMS a relevé que 25% des décès et des handicaps dus aux maladies sont imputables aux maladies neurologiques. Ce taux élevé concerne tout aussi bien les pays industrialisés que les pays dits émergents. Or, les maladies neurologiques ont un coût humain et économique exorbitant. En effet, ces maladies chroniques sont à l'origine bien souvent d'un handicap moteur ou mental. Au-delà de l'aspect médical, va se poser la question des conditions à mettre en place pour que les patients atteints de ces maladies puissent vivre dignement malgré leur handicap. Les maladies neurologiques sont nombreuses et peuvent concerner : -L'enfant et l'adolescent, avec des maladies dites neuro-développementales comme l'épilepsie et les méningites. A noter aussi, la fréquence de maladies d'origine génétique (qui s'explique par le nombre élevé de mariages consanguins) qui peuvent être responsables de troubles neurologiques - L'adulte avec la migraine, la sclérose en plaques, les séquelles des traumatismes crâniens, les lésions de la moelle épinière, l'épilepsie, les neuropathies périphériques, etc… -les personnes âgées de plus de 60 ans avec les AVC (accidents vasculaires cérébraux), la maladie de Parkinson, les démences, etc… Nous allons traiter des maladies neurologiques les plus fréquentes au Maroc en résumant leurs causes, l'état actuel de leur prise en charge au Maroc et leur impact sur la société. 1-Les maladies neuro-développementales de l'enfant. Les maladies neuro-développementales chez l'enfant sont responsables d'handicaps moteurs et intellectuels à vie. Ces maladies sont en rapport avec une agression cérébrale lors d'accouchements sans surveillance médicale. Cette situation est encore fréquente dans notre pays en particulier dans le milieu rural. La prévalence de ces troubles est estimée à 420 cas par 100 000 habitants soit 130 000 enfants au Maroc. Ces enfants vont garder des séquelles neurologiques qui vont nécessiter une prise en charge médicale et un enseignement spécialisé. Le traitement se base essentiellement sur la rééducation et la réadaptation dans des structures spécialisées avec un personnel soignant qualifié et multidisciplinaire comprenant en plus des médecins (neurologues, neuropédiatres), des kinésithérapeutes, des orthophonistes, des psychomotriciens, etc… Or nous manquons cruellement de personnel qualifié et de structures de réadaptation dans notre pays et ceci même dans les grandes villes. Tout le fardeau de la prise en charge de ces enfants souvent lourdement handicapés est porté par des parents vivant le plus souvent dans des conditions économiques difficiles. Il est donc urgent, d'une part de mettre en place un plan d'urgence pour rattraper le retard du Maroc en matière de prise en charge médicale des grossesses et des accouchements, mais aussi de créer des structures de réadaptation avec un personnel qualifié pour une prise en charge adéquate de ces enfants. 2-L'épilepsie. L'épilepsie est la maladie neurologique la plus fréquente après la migraine. Elle est due à une hyperactivité des cellules cérébrales responsables des crises d'épilepsie. Elle survient à tous les âges, mais elle est particulièrement fréquente chez les enfants. Sa prévalence dans les pays émergents est comprise entre 500 à 700 pour 100 000 habitants, soit pour le Maroc entre 160 000 et 220 000 malades. Il faut noter que la plupart de ces malades n'ont jamais consulté un médecin. Pour des raisons culturelles et par manque d'informations médicales, l'épilepsie est encore considérée par une grande frange de la société, comme un phénomène paranormal dû à des possessions «démoniaques», relevant plus de visites chez le fqih ou le marabout, que du domaine de la médecine. Ces croyances vont d'ailleurs isoler les malades, qui souvent stigmatisés par la société. Parmi les causes évitables de l'épilepsie, on trouve les agressions cérébrales lors de l'accouchement et les traumatismes crâniens dus aux accidents de la voie publique. Dans la majorité des cas, l'épilepsie peut être traitée et souvent guérie définitivement par des médicaments anti-épileptiques. Or, ces médicaments ne sont pas disponibles dans les centres de santé et les malades pauvres n'y ont donc pas accès pour des raisons économiques. La lutte contre l'épilepsie passe définitivement par l'information de la population pour une consultation systématique et une prise en charge rapide. De plus, il faut améliorer l'accès aux traitements comme pour toutes les autres maladies chroniques en passant notamment par la généralisation de l'assurance maladie. 3-Les accidents vasculaires cérébraux. Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont des maladies de la circulation cérébrale qui sont en rapport avec soit une occlusion d'un vaisseau cérébral, responsable de l'infarctus cérébral soit avec une hémorragie cérébrale. Comme pour les autres pays émergents en transition épidémiologique, le Maroc se trouve devant une « véritables épidémie » d'accidents vasculaires cérébraux. L'augmentation des maladies cérébro-vasculaires est en rapport avec l'urbanisation et la sédentarisation de la population. L'augmentation des maladies comme l'hypertension artérielle, le diabète et le cholestérol ainsi que le manque d'activité physique explique en partie l'augmentation de la fréquence des AVC. L'enquête épidémiologique réalisée à Rabat et Casablanca, en 2010, avec le soutien financier de l'Académie Hassan II des Sciences et Techniques, a montré que la prévalence des AVC au Maroc était de 300 pour 100 000 habitants. L' AVC est une maladie grave qui tue le quart des malades au cours du premier mois suivant l'infarctus cérébral ou l'hémorragie cérébrale et qui laisse la moitié des survivants avec un handicap moteur et cognitif responsables d'une perte d'autonomie. 4- Les démences et la maladie d'Alzheimer Les démences sont un groupe de maladies dégénératives du cerveau qui atteignent les sujets âgés. Elles sont responsables d'une détérioration mentale progressive avec perte de la mémoire et des facultés intellectuelles. Leur fréquence augmente avec l'âge. On estime que quel que soit le pays, le risque d'avoir une démence et en particulier une maladie d'Alzheimer ou bien une démence vasculaire, est de 2 à 3 % chez les sujets de plus de 65 ans. Ainsi, au Maroc il y aurait actuellement entre 30 000 et 50 000 malades atteints de démences. Ces malades perdent rapidement leur autonomie et deviennent un « fardeau » pour les familles. Jusqu'à ce jour, il n'y a pas de médicament pour guérir ces maladies. Les médicaments disponibles agissent essentiellement sur la réduction des troubles du comportement. Or avec l'augmentation de l'espérance de vie de la population marocaine (en moyenne 74 ans), il faut s'attendre à une augmentation de la fréquence de ces maladies. Si la prévention ne peut pas se faire sur des facteurs de risque comme l'âge ou la prédisposition génétique, elle peut se faire sur d'autres facteurs de risque comme l'hypertension ou le diabète. Le Maroc est directement concerné par l'analphabétisme, autres facteurs de risque de la maladie d'Alzheimer. En effet, plusieurs travaux ont prouvé que le faible niveau d'instruction augmente le risque de développer une démence. La lutte contre l'analphabétisme serait un premier pas dans la prévention de la maladie d'Alzheimer. Autre manque, l'absence de structure de prise en charge des malades et le manque de personnel qualifié. Tous les patients qui souffrent d'une démence requièrent l'aide d'une tierce personne pour la vie quotidienne (comme manger, faire sa toilette, s'habiller etc...). Au Maroc, ces aidants sont essentiellement constitués des membre de la famille (conjoint ou enfants). Or, aujourd'hui, plusieurs travaux ont montré que ces aidants ont un risque élevé d'épuisement physique et/ou psychologique. Il est donc urgent de mettre en place une stratégie à la fois pour le diagnostic précoce de ces maladies (actuellement, il n'existe qu'un seul centre spécialisé dans le diagnostic des démences) mais aussi, dans la formation d'aide-soignantes spécialisées dans les soins des démences. A souligner l'engagement de l'Association Maroc Alzheimer à Rabat qui travaille dans ce sens, notamment dans le soutien aux familles et la formation des aides soignantes. 5-La maladie de Parkinson Cette maladie neuro-dégénérative est liée au vieillissement dont la prévalence serait entre 100 à 150 pour 100.000 habitants, soit un nombre de 30.000 à 45.000 malades au Maroc. Cette maladie provoque un tremblement et un ralentissement moteur d'aggravation progressive qui répondent bien aux médicaments antiparkinsoniens et à la rééducation pendant les cinq premières années d'évolution. Au fur et à mesure que la maladie évolue, le malade devient dépendant et nécessite l'aide une personne tierce. 6-La Sclérose en plaques Cette maladie inflammatoire du système nerveux central est la première maladie handicapante de l'adulte jeune. Les nouveaux traitements donnent beaucoup d'espoir aux malades atteints de la sclérose en plaque. Ces médicaments sont cependant très coûteux et ne sont accessibles qu'aux malades bénéficiant d'une assurance maladie. On ne fera que citer d'autres troubles neurologiques très fréquents telles que les neuropathies diabétiques, les complications neurologiques de la tuberculose ou de la syphilis maladies infectieuses toujours présentes au Maroc. Quelle stratégie globale pour lutter contre les maladies neurologiques au Maroc ? La stratégie globale pour lutter contre les maladies neurologiques au Maroc repose sur la formation, l'information, le diagnostic précoce, et l'investissement dans des structures adaptées et équipées. Voici 10 actions à mettre rapidement en place : La formation de neurologues : le Maroc dispose d'une centaine de neurologues avec 60 en cours de formation. Selon la Fédération Mondiale de Neurologie il en faudrait 600. A noter également que le Maroc ne dispose que de 3 neuropédiatres. La formation des médecins généralistes dans le diagnostic et de traitement des maladies neurologiques les plus fréquentes comme la migraine et l'épilepsie. La formation d'infirmières, de kinésithérapeutes, d'orthophonistes, de psychologues, psychomotriciens et d'aides soignantes, tous spécialisés en neurologie. 4- La mise en place d'unités de soins de neurologie dans les hôpitaux généraux équipés de plateaux techniques d'exploration neurophysiologique, en plus des Services de neurologies dans les CHU. 5-La généralisation des scanners dans les hôpitaux généraux. 6- La mise en place de structures de réadaptation et de rééducation à la fois dans les hôpitaux et dans les centres de santé 7- Une politique de la prévention active : Améliorer la santé de la mère et de l'enfant avec pour objectif primordial l'accouchement médicalisé des grossesses Lutter contre les facteurs de risque vasculaires: hypertension; diabète, tabac... - Prévenir des traumatismes crâniens (respect du code de la route avec port du casque obligatoire pour les cyclistes et motocyclistes) 8- La lutte contre l'analphabétisme, fléau à la fois social, économique mais aussi sanitaire. 9- La sensibilisation de la population marocaine sur les problèmes de santé et leurs préventions. 10- L'aide au développement d'associations non-gouvernementales de malades, qui peuvent jouer un rôle d'appui non négligeable dans l'information et le soutien des familles des malades. 11- La généralisation de l'assurance maladie obligatoire.