Les férus des planches a été, mercredi soir, au rendez-vous avec la pièce théâtrale«4:48 psychose», jouée par la troupe Théâtre Anfass. Adapté de “4:48 Psychose” de Sarah Kane, et mise en scène par Asmaa Houri, la pièce met en exergue un phénomène, plutôt un fléau majeur qui est celui du faux semblant. A la faveur d'une très belle interprétation assurée par la comédienne Meryem Zaimi, une scénographie d'Abdelmajid El Haouasse et une belle composition Musicale de Rachid Bromi, le spectacle a été à son comble. Et c'est grâce à un jeu à la fois composite et harmonique où la créativité gestuelle entre en concurrence avec un mouvement et un corporel à parler d'eux-mêmes. Le message préalable ne vit qu'à l'aide d'une conviction profonde d'une interprète amplement mourante dans le personnage principal. Que veulent dire, exprimer, montrer, jouer ? Asmaa Houri et ses collègues entendent lever, chacun de son côté mais dans un sens élevé de cohérence, les rideaux sur un tabou qui se voue à l´interdit et au silence, est l'idée matrice qui traverse la vision de la mise en scène proposée dans ce spectacle… Le paraître. Il s'agit du parfait, du faux semblant d´être bien, l´obstination de ne pas montrer son mal, et puis de l´effondrement et la chute irréversible de l´être humain. Ce sont là les manifestations qui révèlent le déséquilibre profond de notre environnement sociétal aujourd'hui... Des symptômes qui écrasent le rêve, la sensibilité, la pensée et l´art en résistance... Le spectacle se donne comme enjeu artistique et thématique de dire le non-dit, de raconter l'invisible et de dénoncer l´indifférence de l´autre et des autres, ... de ritualiser un tabou. Quand on souffre d'une dépression chronique et qu'on développe, plutôt on murit une décision préméditée et minutée de se tuer, serait-on entrain de donner jour à la sagesse ? Où c'est simplement de la folie ? Qui est fou ? Est-ce le sujet délirant ou le monde qui l'entoure ? Autant d'interrogations, d'ambiguïtés surréalistes et de vides à combler qui interpellent chaque solitude fébrile et insatiable. Asmaa Houri a ainsi déployé tous les moyens pour pouvoir répondre, expliquer et montrer tous les éléments à même de rendre palpable le thème, visible le champ et audible les sensations. «4:48 psychose» est l'aveu d'une âme annonçant sa mort et son désespoir envers tout ce qui meuble son existence sillonnant l'amitié, l'amour, les propos psychologiques, le tabou… et le paraître. Le public est un œil voyeur sidéré par un témoignage époustouflant dénonçant le mal de vivre et l'insouciance collective envers ce mal. Le temps de la pièce est un sablier lumineux qui se rétrécit constamment défigurant les traits d'un corps et assourdissant l'écho d'un cri. Le verbe est brutal et violent mais vrai, le mouvement est fragmenté et brusque mais qui accuse. La pièce est une transe verbale et physique prenant fin à 4 heures 48. Et vers la fin, le spectateur ne finit pas d'être proactif, avec la fin du spectacle, puisqu'il peut toujours se demander : Le suicide est-il un acte qui relève du mal être individuel ; ou bien est-il le signe et l´effet d´une société en anomalie ? Quel est le devenir d'un être humain qui ne peut supporter une machine sociale qui l'écrase et le réprime ? Le texte 4.48 réfléchit ces questions tout en tentant d'intérioriser le monde de l´intime dans le monde du politique et du social à travers une performance de revendication et de protestation sans relâche…. Une tentative de restituer la sphère de la perversion intime qui problématise l´oppression sociale que subie l´individu au sein d´une société indifférente… une tentative de dénoncer, avec la bravoure d'une condamnée, l'esprit malveillant de la majorité morale et faire reconnaître une responsabilité et une complicité dans l'acte inhumain vis-à-vis de l'humain…. à travers le théâtre et dans le théâtre.