Nous poursuivons la publication de la traduction du livre arabe de l'écrivain andalous Ibn Razin Al Tujibi (de Murcie) datant du XIIIè siècle. Le texte, dont le manuscrit n'a été découvert à Tétouan qu'au XIX siècle, traite de l'art culinaire andalou et est intitulé «Saveurs et parfums de l'Occident musulman : Les délices de la table et les meilleurs genres de mets». Grâce à un excellent travail effectué par le professeur Mohamed Mezzine, président de la commission culturelle de l'Association Fès-Saïs, et Leïla Benkirane, professeur à la Faculté des sciences et techniques Saïs, ce traité culinaire marque les rapports de l'Andalousie musulmane avec le Maroc et fait partager, aujourd'hui, un riche contenu de mets et de recettes aux populations des deux rives et au-delà. On pétrit la quantité dont on a besoin de farine fine, une fois avec de l'eau, et une fois avec de l'huile, 01} y ajoute du le vain et du lait jusqu'à ce qu'elle ait la consistance de la pâte à beignet, on laisse cette pâte lever, et que cela se voit. Puis on enduit avec de l'huile une grande terrine, on y étale un morceau de pâte et on fait de même en superposant la pâte et le fromage jusqu'à épuisement de la pâte et du fromage, on couvre avec du fromage comme on a fait avec celui qui précède et on fait cuire au four comme déjà dit, puis on arrose avec du miel, on saupoudre de cannelle et de poivre et on consomme si Dieu le transcendant le veut. Préparation d'un autre mets au fromage: On prend environ un Rtel de farine fine et un demi Rtel de fromage frais, on pétrit la farine avec ce fromage, on fraise bien jusqu'à ce que le tout s'incorpore, puis on pétrit le tout avec cinq œufs, suffisamment de sel et un peu d'eau si besoin. On forme des galettes rondes et très fines qu'on fait frire dans une poêle, avec beaucoup d'huile pour. qu'elles restent blanches, puis on chauffe des noix pilées avec du miel et on le verse dessus, on coupe les pignons de pin et des pistaches, on ajoute du sucre et on saupoudre avec tout cela les galettes, et on consomme si Dieu le transcendant le veut. Préparation d'un autre appelé: mets au fromage au four: On pétrit de la farine fine avec de l'eau, du sel et de l'huile, on la travaille moyennement. On frotte l'équivalent des 3/4 de pâte en fromage frais jusqu'à le rendre comme de la moelle, on mélange avec de l'anis et du jus de coriandre verte. On forme avec la pâte de grandes galettes fines après l'avoir étalée avec de l'huile et du smen. On met un peu de fromage au centre (de chaque galette) et on l'enferme en rabattant par-dessus les bords de la galette en laissant la taille d'un dinar au centre. On tapote la galette doucement en évitant de faire sortir le fromage de l'intérieur sans trop l'étaler, on forme autant de galettes semblables qu'on en a besoin. on les fait cuire dans le four loin du feu, une cuisson moyenne, en les surveillant, dès qu'elles commencent à dorer on les retire et on les met dans un grand bol en bois ou en poterie, après les avoir nettoyée des poussières et des cendres. Puis on les arrose avec du miel fondu et dû beurre passé; on les saupoudre de cannelle, de sucre et de ce qu'on a comme épices habituelles et on con"; somme en paix si Dieu le veut. S'il n'y a pas de fromage frais, on le fait avec du fromage qui commence à durcir et II sécher, après l'avoir ramolli pe la même façon que dit précédemment à la puissance de Dieu le transcendant. Préparation d'un mets au fromage appelé: Tallitalia On pétrit de fa farine fine avec de l'eau, du sel et de l'huile comme dit dans le mets au fromage au four, on frotte l'équivalent de trois quart de la pâte de fromage frais battu avec de l'anis, du jus de menthe, du jus de coriandre verte comme déjà dit, puis on étale la pâte en galettes avec le rouleau. On met à l'intérieur de chaque galette suffisamment de fromage râpé, on rabat par-dessus les bords de la galette, puis on tapote cette galette doucement comme déjà dit, on les pose dans une poêle en cuivre ou en poterie et on les fait cuire dans le genre de four dans lequel on cuit les Kaâks ou dans quelque chose de similaire. Quand elles commencent à dorer on les retire et on les range dans un récipient en poterie .ou en bois les unes sur les autres, puis on les arrose avec de quoi les couvrir de miel et de beurre frais. On les saupoudre de sucre et de cannelle et on consomme en paix si Dieu le transcendant le veut. Préparation du pain fourré à la viande, au poulet, aux petits oiseaux, aux étourneaux ou au fromage (Madfuna): On choisit n'importe laquelle de ces viandes, on la prépare de la manière qu'on veut, puis on pétrit vigoureusement de la farine avec de l'eau, du sel et du levain, quand la pâte est presque levée, on façonne une galette avec des bords fins pour protéger la farce, puis on prend le genre de viande préparé, on lui ajoute des œufs mélangés avec épices et colorés au safran ou au jus de coriandre verte. On met tout cela au centre de la galette puis on façonne une autre galette plus petite qui sert de k couvercle à la première galette, on roule l'ensemble des bords de la première galette inférieure avec le bord de la deuxième galette supérieure, on les roule· soigneusement pour empêcher la farce de sortir, puis on fait cuire dans le four, quand elles sont à point on les retire et on les consomme si Dieu le transcendant le veut. Et pour la farce au fromage: On émiette le fromage aussi finement que possible, on y met suffisamment d'œufs" du jus de coriandre verte et ce qu'on a comme épices habituelles, on mélange le tout et on le dispose au centre d'une galette et on le couvre d'une autre galette comme décrit avant, on fait cuire au four, vous avez compris cela, avec la volonté de Dieu le transcendant. Sur ce qui s'arrose comme les panades et se cuit comme les potages Préparation du couscous: On prend de la bonne semoule qu'on met dans une terrine, on l'arrose avec de l'eau dans laquelle on a délayé un peu de sel, on roule la semoule avec le bout des doigts pour bien l'incorporer et on la frotte doucement entre les paumes des mains jusqu'à ce que la semoule devienne de la taille des têtes de fourmis, puis on la passe dans un tamis fin pour la débarrasser de sa farine et on la réserve, aérée et couverte. La recette de sa cuisson: On prend de la bonne viande de bœuf, tendre et grasse avec de grands os, on met le tout dans une grande marmite avec du sel, du poivre, de l'huile, de la coriandre sèche, un peu d'oignon coupé et de quoi couvrir le tout largement d'eau, on met la marmite sur le feu, quand la viande commence à cuire on y met ce qu'on a comme légumes de saison, comme par exemple les choux, les carottes, la laitue, le fenouil, les fèves vertes, les courgettes et les aubergines. Quand la viande et les légumes sont cuits, on prend la marmite spéciale pour le couscous et qui a un fond criblé de trous, on la remplit de couscous avec précaution et on la met sur la marmite contenant la viande et les légumes, on accole entre elles les deux marmites avec un peu de pâte pour que la vapeur ne s'échappe pas, on couvre le couscoussier avec un buvard épais, pour que la vapeur se rabatte et qu'il cuise bien. Signe que le couscous est cuit, l'intensité de la vapeur qui s'échappe au-dessus de l'ouverture du couscoussier, et si on tape dessus avec la main, il émet un son. Quand le couscous est prêt, on le verse dans une terrine, on l'enduit entre les mains avec du smen, de la cannelle, du mastic et de la valériane pour en détacher les différentes parties, puis on les met dans une terrine, mais sans la remplir complètement, il faut tenir compte du fait, qu'arrosé, le couscous gonfle, puis on vérifie si le bouillon de viande est suffisant pour arroser le couscous, sinon on ajoute de l'eau dans la marmite et on donne un bouillon. Quand la marmite bout, on la retire du feu, on attend que le bouillonnement se calme et on arrose le couscous en commençant par le centre, puis la périphérie, on arrose moyennement, on couvre et on attend que le couscous absorbe le bouillon. On vérifie avec le doigt si le couscous est assez arrosé, sinon on y ajoute du bouillon en quantité nécessaire, puis on sort les os, on les pose debout au milieu de la terrine, on dispose dessus la viande et les légumes à la surface de la terrine et on saupoudre de cannelle, de poivre, de gingembre et on mange en paix si Dieu le transcendant le veut. Celui qui veut le faire avec de la viande de mouton ou avec du poulet peut le faire de la même manière que décrit avant, à la puissance et à la volonté de Dieu. Un autre genre de couscous appelé "el Jauzi": Il est délicieux. On prend des morceaux de la meilleure viande de bœuf, ou de mouton, ou de poulet engraissé en quantité nécessaire, on les fait cuire dans les épices habituelles comme précédemment, on y ajoute des aubergines pelées et non fendues après les avoir blanchies à l'eau salée et rincées à l'eau chaude et essuyées. Quand la viande et les légumes sont presque cuits, on fait cuire le couscous dans le couscoussier comme précédemment, puis on le verse et on l'enduit avec de la pulpe de noix écrasées, après qu'elles aient été bouillies et décortiquées, de la cannelle, de la valériane et un peu de gomme arabique, puis on l'arrose en plusieurs fois suffisamment, on dispose dessus Hl viande et les légumes, on saupoudre de cannelle et de valériane et on consomme si Dieu le transcendant le veut. On peut faire le couscous d'une autre manière sans l'arroser: Dans ce cas on retire la viande et les légumes de. De la marmite après qu'ils aient cuit et on jette le couscous dans la marmite et on l'y laisse jusqu'à ce qu'il absorbe tout le bouillon, puis on le verse dans une terrine et on dispose dessus la, viande et les légumes et on le consomme. On appelle ce genre de couscous el Ressani. On peut l'arroser avec le bouillon d'une viande cuite avec du vinaigre, du safran comme on fait pour les panades au vinaigre avec comme légumes des aubergines et des courges. On peut frotter des miettes de pain ou de pain blanc jusqu'à ce qu'elles deviennent comme de la farine, puis on les roule avec un peu d'eau et on les fait cuire dans la marmite faite pour cela. Quand la vapeur s'échappe et qu'il est (le couscous) assez cuit, on le verse dans Ul} pot, on l'enduit avec du smen, ou avec du gras de viande et on l'arrose comme d'habitude. Un autre genre de couscous et qui est très bon: On prend un agneau gras, on le dépèce, on ouvre son ventre, on retire les tripes, on le nettoie et on enduit son intérieur avec la graisse écrasée avec du "poivre" qu'on utilise pour les boulettes. Quand le couscous est cuit, on l'enduit avec du smen, de la valériane, de la cannelle et un peu de gomme arabique et on remplit avec (ce couscous) l'intérieur de l'agneau, puis on coud l'ouverture du ventre et tout autour, et on met l'agneau dans le tannur jusqu'à ce qu'il soit prêt et bien rôti, puis on verse le couscous dans une terrine et on découpe la viande de l'agneau par-dessus, on saupoudre de cannelle et de valériane et on le consomme si Dieu le transcendant le veut. Un autre genre de couscous à la purée de fève : On roule de la semoule et de la farine en couscous et on les cuit comme précédemment puis on prend des fèves sèches qu'on fait cuire dans un pot neuf avec de quoi les couvrir d'eau c1Qus;e ou d'eau de pluie, sans sel après les avoir nettoyées et rincées avec de l'eau chaude plusieurs fois et enduites d'huile douce, quand les fèves sont cuites et défaites, on introduit une grande louche et on écrase les fèves contre les parois du pot jusqu'à ce que l'ensemble devienne homogène et comme de la moelle, puis on y ajoute suffisamment d'eau chaude, on y met de quoi améliorer son goût de sel pilé et délayé, quand la purée bout dans le pot, on enduit le couscous abondamment de smen, on le met avec la purée dans le pot, on laisse prendre et absorber la sauce, on le verse et on le consomme si Dieu le transcendant le veut.