Malgré les critiques, la Chine n'entend pas cesser ses investissements au Soudan. Au moment où Washington annonce de nouvelles sanctions contre le régime d'Omar el-Béchir, Pékin, premier importateur de pétrole soudanais, s'emploie à relativiser la situation au Darfour et justifier sa position, présentée comme plus efficace que les pressions occidentales sur Khartoum. La Chine, l'un des principaux investisseurs étrangers au Soudan, est accusée de ne pas faire suffisamment pression sur Khartoum pour mettre fin aux violences au Darfour. Face à la médiatisation des critiques des organisations de défense des droits de l'Homme et aux appels au boycott des Jeux olympiques de Pékin en 2008, le gouvernement chinois a dû réagir: il a nommé ce mois-ci un envoyé spécial au Soudan et justifie publiquement sa position. En quatre ans, plus de 200.000 personnes ont été tuées dans cette région de l'ouest du Soudan. Au moins 2,5 millions de civils ont fui les combats entre les rebelles et les milices arabes, les janjawid, soupçonnées d'être soutenues par Khartoum et accusées de se livrer à des viols, pillages et exactions contre les populations noires. De retour de son premier déplacement au Soudan, Liu Guijin, l'émissaire de Pékin, assure que la situation n'était pas désespérée dans les camps de déplacés qu'il a visités la semaine dernière au Darfour et que les organisations internationales et soudanaises travaillent ensemble pour résoudre les problèmes humanitaires. "Je n'ai pas vu un scénario catastrophe où les gens meurent de faim", a-t-il affirmé mardi lors d'un point de presse. Au contraire, dit-il, la population au Darfour l'a remercié pour l'aide du gouvernement chinois apportée à la construction de barrages et le matériel pour l'approvisionnement en eau. "Le problème du Darfour et les problèmes dans l'est et le sud du Soudan sont provoqués par la pauvreté et le sous-développement. Ce n'est que lorsque la pauvreté et le sous-développement seront réglés qu'il y aura la paix au Soudan", a résumé Liu Guijin. Il a ajouté que la Chine avait fourni 22 millions d'euros d'aide au développement au Soudan et que les investissements de ses compagnies pétrolières avaient aidé le pays à moderniser ses installations pour l'exploration et la raffinerie. "La coopération entre la Chine et le Soudan sert au développement de l'économie soudanaise et aidera fondamentalement le Soudan à régler les conflits et les guerres au Soudan", a-t-il conclu. "Les sanctions délibérées et la simple mise en place de pressions n'aideront pas à la solution du problème et ne feront que le compliquer." Pékin marche sur des oeufs pour tenter de préserver ses intérêts au Soudan tout en se donnant une image de grande puissance responsable. Liu Guijin n'a pas dit comment la Chine comptait intervenir auprès de Khartoum. Le président El-Béchir, qui avait donné son accord en novembre au plan des Nations unies pour étayer la force de maintien de la paix de l'Union africaine, refuse toujours le déploiement d'une force conjointe UA-ONU de 22.000 hommes, estimant que la contribution de l'ONU doit se borner à un soutien technique et logistique. Liu Guijin n'a pas voulu dire non plus si la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, qui a déjà utilisé son veto pour protéger Khartoum, s'opposerait au projet de résolution que veut présenter Washington pour accroître les pressions sur Omar el-Béchir. "Je ne crois pas que nous sommes arrivés à ce stade", a-t-il dit. Quant aux JO, ils "ne doivent pas être politisés", a-t-il souhaité. "Lier l'approche de la Chine sur la question du Darfour et les Jeux olympiques, c'est totalement intenable." Il en faut plus pour dissuader la "Save Darfur Coalition", qui regroupe plusieurs dizaines d'associations tentant d'attirer l'attention sur le drame du Darfour. Elle parraine une nouvelle campagne publicitaire qui devait être diffusée mercredi et jeudi dans plusieurs journaux aux Etats-Unis. Une image montre une main qui s'apprête à appuyer sur la gachette pour donner le départ du sprint aux JO avec la légende "Jeux de Pékin". Une seconde image fait apparaître un homme, supposé soudanais, qui brandit un fusil d'assaut, avec la mention "Génocide du Darfour". Un communiqué de presse de la coalition qualifie la Chine de "soutien diplomatique principal du Soudan, principal fournisseur d'arme et plus grand investisseur étranger et partenaire commercial".