Dans l'enceinte de Fès : Comme il était signalé dans l'un de mes articles écrits pour le compte de L'Opinion-culture, Si Mohammed Bajeddoub, accompagné par son groupe « féminin » et l'orchestre administré par Amine Debbie, a enchanté le public fassi au Festival de musique andalouse de Fès. C'était une véritable réussite. C'était comme si l'on découvrait cette star pour la première fois. Un succès remarqué à vue d'œil. J'ai accompagné Si M. Bajeddoub dans cette manifestation nationale et j'eusse aimé communiquer ma vive d'émotion que je vivais au moment où le public, combien esthète, répondait à la symphonie andalouse interprétée par le groupe safiot. Bajeddoub a chanté les affres des amoureux, les vicissitudes de l'amour et a exprimé dans une improvisation poétique soliste, dit mawal, son attachement ombilical à la ville de Fès. Il se considère effectivement comme « l'enfant de la ville ». Son parcours de combattant en témoigne : il faisait un va-et-vient hebdomadaire entre les deux villes phonétiquement proches, Safi et Fès (« ce déplacement a duré dix ans, de 1968 à 1978 », me confie-t-il lors de notre entretien). J'ai assisté au Festival de Fès et ai compris combien Si Bajeddoub s'est dépensé pour son groupe Al-Ahmadia qui, s'il réalise des succès successifs, c'est grâce à un Maître s'immolant en faveur de son groupe féminin. Grande star qu'il est, Si Mohammed Bajeddoub incarnait le morceau de bravoure de la soirée de la journée inauguratrice à Janane Fès. Dans une salle encombrée d'andaloumanes, pour me permettre ce néologisme, et de fans de si Bajeddoub. Six mille au lieu de deux mille invités. Bajeddoub trouvait des échos retentissants chez un public esthète à même de suivre littéralement l'un des plus difficiles rythmes d'une musique déjà qualifiée d'élitiste, Derje el Uchaq, « le séjour des amoureux ». Il s'est carrément levé à la fin de la prestation à titre de salut et de vénération d'un auditoire mélomane par excellence. D'une apothéose à une autre, si M. Bajeddoub soutient humainement et artistiquement son groupe féminin jeune jusqu'au bout qui, pour lui, représente une occasion de redorer le blason de la femme marocaine et de lui rendre ses prérogatives tombées malheureusement dans les oubliettes de l'Histoire. Et de si Mohammed Bajeddoub de me susurrer à la sortie de la salle du spectacle : « J'avais confiance en elles. Elles étaient, Dieu merci, à la hauteur de mes exigences et mes attentes. Et c'est ma meilleure récompense ce soir. J'aimerais bien que mon public ait savouré cette couleur féminine douce dont le parfum édulcore ma carrière d'artiste et récompense mon effort de maître. » D'ailleurs M. A. CHAMI m'a généreusement affirmé aparté que : « Si Bajeddoub représente pour la ville de Fès un enfant fidèle et un artiste reconnaissant. Et que son répertoire de musique andalouse ne cesse de nous surprendre et nous sortir à chaque spectacle des perles précieuses. Ses réapparitions sont perpétuellement sous un jour nouveau, innové et surtout original. Par exemple, ce soir il a repris avec innovation un rythme interprété pour la première fois en 1975 dans une soirée qui plus est privée. C'est un artiste à qui on doit rendre hommage sur le plan national, ne serait-ce que pour lui savoir gré et répondre à son nationalisme hors pair dont il ne cesse de faire preuve une fois sollicité. » Les Mouloudiat de Tanger : Ainsi mériterait-il amplement d'être érigé en représentant du royaume à la première Edition du Festival arabe du Samâa et Madih (chant religieux panégyrique, de Dieu et du Prophète). C'est de Mouloudiat de Tanger qu'il s'agit. Une manifestation panarabe qui a choisi une devise grandiloquente, à savoir « hommage et considération ». A côté des grands groupes nordiques de l'art du Samâa, Si Bajeddoub n'hésite de mettre en scène son collier de douze filles dont il joint les deux bouts avec esthétique et élégance. Ce n'est pas étonnant de voir le dit groupe charmer le public par des morceaux musicaux marocains à la teinte à la fois mystique et spirituelle ancrée dans nos traditions musicales et culturelles. Si Bajeddoub est le héraut d'une communauté artistique dans l'ombre, les hommes des Zawyias dont les voix grimpant aussi bien les échelons des illuminations soufies que dans les cieux d'une éducation mystique strictement rigoureuse. Il est des artistes qui racontent leurs vies qu'ils ont difficilement menées ou avec peine réussies. Il est d'autres qui, à l'instar de si Bajeddoub, recréent, en plus des leurs, celles des autres. Une personnalité altruiste qui se brise contre tous les écueils pour que les autres, au féminin cette fois-ci, réussissent et aillent de l'avant. Certes, si Bajeddoub a pris un grand risque de se fier à des filles encore débutantes si l'on compare leur jeune parcours à celui de notre vedette dont la modestie se voit à l'œil nu. Il a néanmoins réussi ses deux festivals quasiment successifs à telle enseigne qu'il s'est présenté sous un jour sincère, à cœur ouvert, pour être interprété, aimé aussi, comme il se doit. Heureusement, il existe, comme dit si Bajeddoub, « de bons entendeurs comme M. Bensalem Himmich, dans l'homme de lettres et le ministre qu'il est ». Ainsi en est-il de l'aventure entreprise au Festival, à facture internationale de Tanger : mettre en œuvre la polyvalence du groupe à Al Ahmadia. Le tout dans un ordre harmonieux. Une star de ce calibre ne peut que réussir d'autant plus qu'il est en mesure de mettre au diapason ; chanson religieuse marocaine, partitions andalouses, samâa, madih, et mawal. Que réalise un homme de qui émanent expérience, soufisme, et talent quand il s'allie à des voix féminines, sinon un succès florissant ? Un tel chapelet d'ombres, et d'ambres aussi, mérite une exploration minutieuse. On s'y mettra à fond, et surtout avec l'amour que je dois à ce grand homme, dans l'entretien à venir.