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Un roi dans son siècle
Publié dans Le Soir Echos le 19 - 08 - 2013

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Nous sommes au cœur de l'Oriental, entre Ganfouda et Beni Mathar , dans un petit village reclus, du nom Mestferki, un point minuscule, un confetti regroupant deux ou trois cents habitants qui vivent à la manière monacale, mènent une existence austère, cultivent l'ascèse par obligation... La rigueur d'un climat alterné, le froid l'hiver, la sécheresse l'idée... Surgi d'un paysage quasi lunaire, le village est dans la lente impatience, ses habitants ruminent le splendide isolement dans lequel l'Etat, les pouvoirs publics, la commune d'à côté, la wilaya de Oujda et la province de Berkane les placent depuis des décennies… Nous sommes entre 2008 et 2009, le roi Mohammed VI effectue dans l'Oriental l'une de ses grandes tournées de travail – on ne les compte plus ! Il sillonne les recoins de cette région qui, d'année en année, non seulement devient l'un de ses territoires de prédilection, mais un modèle de développement avec sa technopole et ses projets structurants. S'il est une traduction concrète au concept et à la pratique de ce qu'on appelle la « proximité », c'est bel et bien la région de l'Oriental, ses confins reculés, ses populations sorties de l'anonymat qui l'incarnent aussi, à coup sûr !
A nouveau règne, nouvelle méthode de travail
A cheval sur la fin du XXe et le début du XXIe siècle, le règne de Mohammed VI a commencé comme prévu : dans une irascible volonté de changement. Il s'est inscrit dans la continuité dynastique, certes, mais il a transformé le règne et la méthode de travail, bousculant d'abord protocole et règles du palais, innovant en matière de rapports avec son peuple. Aux funérailles de son père, le roi Hassan II, qui a régné pendant 38 ans sur le Maroc, les traits tirés et une tristesse profonde, on vu le nouveau monarque porter le cercueil du défunt avec son frère cadet, le prince Moulay Rachid. Ce fut déjà l'un des premiers signaux annonciateurs, prévenant les uns et les autres que Mohammed VI ne se contentera pas de donner et faire exécuter les ordres, mais mettra la main à la pâte et s'en chargera lui-même... La cérémonie d'intronisation, organisée le 23 juillet dans la salle du Trône, au palais royal de Rabat, prévue, verrouillée au moindre détail, en son canevas et sa portée pratique par son père, a résonné comme l'autre signal, celui du retour aux sources chez un jeune roi qui vient de troquer son costume de prince héritier contre celui du roi légitime. Il est le successeur désigné, nouveau guide sur lequel s'abattront toutes les attentes, les mille et mille espérances, parfois même inexprimées, enfouies, un océan de doléances même, exprimées comme des vagues souterraines, partout et toujours ! Il incarne d'ores et déjà l'image de roi de proximité... Quatorze ans sont passés ! Et dix jours seulement séparent la Fête du Trône qu'il a lui-même instituée à la date du 30 juillet de chaque année, et le 21 août 2013 où nous célébrons ainsi son 50e anniversaire. La vie du roi Mohammed VI ne se résume à aucun chiffre, elle ne peut être mise entre parenthèses au prétexte que les biographes se soumettent aux lois d'une linéarité méthodologique, alors que son parcours est marqué par un foisonnant hérissement, synonyme de richesses. Quatorze ans de règne ne font qu'ouvrir la perspective d'une autre nouvelle œuvre, dans sa vie et dans celle de la Nation qu'il dirige et qui, cela va sans dire, se confond avec la sienne. Quant aux cinquante ans, que d'aucuns ont maladroitement qualifié d'âge de raison, le roi les traverse, soyons en sûrs, comme une étape, une passerelle ontologique et sa mission qui est au règne ce que la finalité est à une vie, ne s'est jamais départie de l'objectif qu'il s'est lui-même assigné et qui est devenue à vrai son obsession centrale : construite un Maroc à son image !
Un parcours rectiligne
Or, son image, c'est d'abord et enfin sa propre culture. Un système de valeurs dont il s'imprègne dès sa tendre enfance, et qu'il a polies au fur et à mesure, pétries continuellement à l'épreuve de sa jeunesse, de sa vie de jeune étudiant, de jeune garçon, de prince et de roi enfin. On a quelque peu tendance à oublier de mettre en évidence une particularité d'autant plus marquante que la nécessité de la rappeler aujourd'hui s'impose : Mohammed VI a accompli le fameux apprentissage de prince et de roi, contrairement à son père ! De ce fait, il a été le plus proche compagnon de son père, le confident même de Hassan II. Si, celui-ci n'a pas eu la même facilité – et pour cause, l'exil entre parenthèses, le combat pour l'indépendance, le protectorat – auprès de son père, Mohammed VI a connu un parcours, dirions-nous rectiligne, bénéficiant d'une vie de jeune moins agitée que celle de son père, ce qui ne veut pas dire, pour autant, moins intense. Les expériences des règnes, au total trois depuis 1955, nous suggèrent une continuité dans le temps et l'espace, mais surtout une idée force : la culture monarchique n'est jamais restée statique, encore moins immobile. Elle épouse son temps, réinvente ses règles, fixe ses méthodes, enfin elle crée ses hommes et ses femmes, ses élites aussi... Or, cette même monarchie, pour être indivisible, quasi immuable dans sa vertueuse continuité, n'évolue pas de la même façon, selon les trois rois, chacun d'eux lui imprimant son propre style et sa vision personnelle.
L'épreuve de la transition
Entre novembre 1955 et février 1961, Mohammed V a incarné le bref passage d'un règne volubile et délibérément débonnaire, marqué toutefois par l'épreuve de la transition de l'ordre colonial à celui de la liberté, une liberté débridée que l'on dirait des Cents fleurs, à la limite du cafouillage ! Sous son règne, le Maroc a vécu l'une des plus terribles épreuves, le violent séisme d'Agadir du 29 février 1960, qui en 15 secondes d'une magnitude de 5,7 sur l'échelle de Richter a provoqué la mort de plus de 12 000 personnes, détruit la plus grande partie de la ville et fait des milliers de blessés... Le roi Mohammed V, une profonde tristesse affichée, s'y était rendu personnellement et a lancé immédiatement les travaux de reconstruction. Le lendemain de la catastrophe nationale, il a crée une Commission de reconstruction, confiée au prince héritier Moulay El Hassan lui intimant l'ordre de déplacer le projet de la nouvelle ville vers le Sud, là où n'existait pas le risque d'une faille sismique. Dès le mois de juin de la même année,
le chantier du nouvel Agadir était lancé...
Un roi pouvait-il être un saint ? Mohammed V incarnait l'image d'un saint, et aux yeux du peuple marocain, il en illustrait la légende vivante. A telle enseigne que, durant les trente-neuf mois d'exil forcé en Corse et à Madagascar, entre août 1953 et novembre 1955, figé, son peuple contemplait régulièrement la lune pour y retrouver son portrait et le vénérer. C'est peu dire qu'une profonde symbiose caractérisait les rapports entre les deux. En mars 1961, lorsque décède Mohammed V, le prince Moulay El Hassan est proclamé roi du Maroc. Il régnera jusqu'au 23 juillet 1999, soit trente-huit ans d'affilée, incarnant même un règne sans partage. Il aura une vie trépidante, marquée au coin d'une grande épreuve, celle du pouvoir d'abord, ensuite des défis, des tentatives de coups d'Etat avortés, de la longue mission d'asseoir le Maroc dans une légitimité constitutionnelle, entravée par les innombrables obstacles et entre autres, les deux grandes affaires de son règne : la Guerre des sables avec l'Algérie, lancée le 2 octobre 1963 contre le Maroc par Ahmed Ben Bella, premier président de l'Algérie indépendante et, découlant de la même problématique de relations constamment tendues avec cette dernière, la libération du Sahara. Sur cette affaire du Sahara précisément, les trois rois ne cesseront de buter face à l'irrédentisme d'une Algérie qui dès son indépendance en juillet 1962 ne cessera d'afficher ouvertement son expansion territoriale, annexera des territoires entiers appartenant au royaume du Maroc et mettra tout en œuvre pour entraver le processus de parachèvement de l'intégrité territoriale de ce dernier.
Un prince est né
Le 21 août 1963, deux mois avant les agressions de l'armée algérienne contre les deux localités marocaines, Hassi Beida et Tinjoub qui ont déclenché la guerre des frontières entre les deux pays, naît au palais royal de Rabat, le premier garçon du roi Hassan II et de Lalla Latifa Aït Hammou, berbère de Khénifra. Le roi exprime une fierté de cette naissance, un garçon, qui n'a d'égale que sa détermination à assurer la pérennité monarchique en renforçant la filiation. Une photo est prise et publiée où le père porte dans ses bras le nouveau né, et le peuple ne manquera pas de lui exprimer son attachement en se rendant quelques jours plus tard sur la place du Méchouar. Un prince est né en plein été, et le Maroc qui n'a que 8 ans d'indépendance voit ainsi son destin se dessiner dans un long terme que l'histoire, malgré les vicissitudes et surtout les épreuves, déclinera ensuite. Les historiens ou les chroniqueurs , qui n'apprécient généralement jamais le hasard et cherchent plutôt le fil conducteur, semblent s'attacher à décrire le contexte national de cette époque sous l'angle d'une époque difficile, marquée par « l'instabilité », les multiples et diverses difficultés, politiques, diplomatiques , économiques et autres... Sidi Mohammed est né alors que le Maroc était confronté déjà à l'hégémonisme algérien, et sur le plan interne aux problèmes politiques issus d'une grave discorde entre certaines forces politiques, comme l'Istiqlal, l'UNFP et le palais. La tension, plutôt la crise larvée est la conséquence de la promulgation d'une nouvelle Constitution que les partis politiques refusent, en particulier le passage qui stipule que le roi est « Amir al-Mouminine » et que sa « personne est inviolable » ! Alors ministre de la Justice, M'Hamed Bahnini ira jusqu'à proclamer le 17 août 1963 que le roi a déjoué un complot fomenté par les partis de gauche... Il était loisible, en effet, et même prévisible qu'un tel refus catégorique se solderait par une opposition radicale entre le palais et les partis dont beaucoup de leurs dirigeants et de leurs cadres, s'ils n'étaient pas arrêtés et incarcérés, avaient choisi l'exil, en Algérie, en Syrie et plus tard en Libye. Jusqu'aux années soixante-dix, ponctués par un long cycle d'affrontement-répression et plus exactement en 1973, les rapports entre le pouvoir royal de Hassan II et ce qu'on appelle l'échiquier politique sont demeurés tendus. C'est l'affaire du Sahara qui favorisera un rapprochement frileux, mais devenu impératif... Pendant ces dix années d'hostilité déclarée, le prince Sidi Mohammed ben al-Hassan évolue et grandit dans le sérail que son père a concocté et peaufiné pour lui, ses frères et la famille. Il fréquente le collège royal , mitoyen au palais de Rabat, accomplit sa scolarité dans cette institution créée dès 1942 par Mohammed V pour y élever ses enfants, notamment Moulay El Hassan et Moulay Abdallah. Prénommé en intimité « Smit Sidi », le jeune prince a pour compagnons de classe des garçons venus de toutes les régions du royaume, différents dans leurs origines que dans leur statut... Ils auront, néanmoins, ce point commun : appartenir au cercle, au premier cercle d'amis du prince, ensuite de l'accompagner plus tard, qui à l'Université Mohammed V de Rabat, qui dans ses fonctions officielles de prince, chargé par son père de missions régulières, qui enfin lorsqu'il accédera au pouvoir en juillet 1999… On en retrouve quelques uns de ces camarades, fidèles entre les fidèles, comme Fouad Ali-Himma ; Fadel Benayaïch ; Mohamed Rochdi Chraïbi, Mohamed Yassine Mansouri, Khalid al-Kouhen ; Noureddine Bensouda, Hassan Aourid, Hassan Bernoussi, Mehdi Alaoui, d'autres encore moins exposés comme Samir Elyazidi, Karim Chakour... Quant à Mohamed Mounir Majidi, dit « 3M », il est arrivé dans le cercle bien plus tard, introduit par le défunt Nawfal Osman, fils d'Ahmed Osman, ancien premier ministre de 1974 à 1979 et de la princesse Lalla Nezha, sœur de Hassan II et donc tante du roi Mohammed VI... Elle est décédée le 2 septembre 1977, en plein Ramadan, dans un accident de voiture sur une route dans le Nord du Maroc.
Un prince actif
« Smit Sidi » est un jeune prince actif, dont on ne cessera de dire pourtant qu'il est « timide », « réservé » voire « effacé » ! Il est le compagnon de son père qui entend faire de lui le digne successeur et lui confie, au fur et à mesure, des missions, protocolaires pour commencer, officielles ensuite. Dans la première semaine d'avril 1974, la nouvelle de la mort de Georges Pompidou, président de la république française est tombée comme un couperet. C'est le prince Sidi Mohammed qui, le 6 avril suivant, représentera le roi Hassan II et le Maroc aux obsèques officielles organisées à l'église Notre-Dame de Paris où se retrouvent un parterre de chefs d'Etat et de gouvernements du monde entier. Les caméras de télévision et des photographes immortaliseront ainsi l'image d'un prince marocain de 11 ans, accoutré au costume blanc national, tenu debout au milieu des personnalités, tout près de Michel Jobert, ministre des Affaires étrangères de Georges Pompidou, originaire de Meknès, demeuré fidèle au Maroc... Cette visite à Paris ne sera ni la première, ni la dernière du prince héritier à l'étranger. Une tournée africaine lui avait permis dans la foulée de se familiariser avec le continent, de nouer de studieux contacts avec ses populations et, comment ne pas y voir certaines prémices, d'expliquer l'engouement qu'il manifestera plus tard, une fois roi à l'Afrique. En juillet 1975, il prend part au Jamboree mondial de Lillehammer, en Norvège qui rassemblait près de 20 000 scouts du monde entier, représentant quelque 91 pays. Ce rassemblement international, au fin fond des forêts perdues de la Scandinavie, avait pour devise : « Cinq doigts, une main », symbolisant la fraternité entre les cinq pays hôtes scandinaves et les cinq régions scoutes du reste du monde. Le roi de Norvège, le roi de suède et le prince héritier du Maroc, Sidi Mohammed ben al-Hassan l'ont honoré de leur présence. Cette expérience le familiarisera avec un certain type d'engagement solidaire et de prendre le pouls des autres cultures. Après le cursus scolaire achevé en 1981, par le baccalauréat, il est mêlé comme de coutume à la gestion des grands dossiers politiques et diplomatiques. Cette année-là, son père conduit un tournant majeur de l'évolution du royaume, en ce sens qu'il consent, lors du Sommet de l'OUA , organisé à Nairobi (Kenya) à l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sahara, à la demande de pays amis, d'Europe et du monde arabe. Le gouvernement algérien, qui en faisait son cheval de Troie, est mis au pied du mur... En novembre 1984, ce sont seulement 26 chefs d'Etat africains, même pas la moitié, qui participent au Sommet de l'OUA d'Addis Abéba. Se trouvant en face de la présence du « président de la rasd », venu siéger pour la première fois, la délégation marocaine décide de se retirer de l'OUA. Cette constitue un précédent dans l'histoire de l'organisation panafricaine.
Consécration universitaire
Le prince Sidi Mohammed n'a que vingt-et-un ans et, déjà, dans les pas de son père, il saisit les arcanes de cette grande diplomatie de défis. Le CES (Certificat des études supérieures) en sciences politiques en poche, en 1988, il effectue en novembre un stage de quelques mois, auprès de Jacques Delors, ancien ministre de l'Economie et des finances sous François Mitterrand, président de la Commission des Communautés européennes et... père de Martine Aubry ! Cette présence à Bruxelles, auprès de Jacques Delors permet au prince héritier de s'imprégner des méthodologies, de la culture, des mécanismes de droit et des règles de gouvernance en vigueur dans l'institution européenne. Le 29 octobre 1993, à la grande fierté de son père et de sa famille, Sidi Mohammed soutient sa thèse de doctorat à l'université de Nice-Sophia Antipolis avec mention « très honorable » et les félicitations du Jury, sur le thème d'actualité : « La coopération CEE-Maghreb ». On le voit, l'objectif de sa recherche est double : la promotion du Maghreb et celle de l'économie... Il en deviendra plus tard un fervent avocat ! Peut-être, faudrait-il rappeler dans la foulée deux dates significatives dans le parcours du roi Mohammed VI , illustrant la polyvalence à laquelle il a été formé. Outre les innombrables missions que lui confiait son père, dans les quatre coins du monde, comme notamment la participation du Maroc à la fameuse Conférence de Rio sur le climat de 1992, il a été promu en avril 1985 Coordinateur des Bureaux et services de l'état-major général des Forces Armées Royales (FAR) et, en juillet 1994, au grade de général de Division.
Roi et souverain
Devenu roi le 23 juillet 1999, après avoir été intronisé lors d'une cérémonie solennelle, à laquelle prenait part, entre autres, son frère Moulay Rachid et ses cousins Moulay Hicham et Moulay Ismaïl, Sidi Mohammed Ben al-Hassan, devenu le vingt-deuxième roi du Maroc, cumulera ainsi les titres de roi, de chef d'Etat qui règne et gouverne, de Amir al-Mouminine, gardien et protecteur des trois religions monothéistes en vigueur au Maroc, chef des armées, et premier serviteur de son peuple. Innombrables et incommensurables sont les attentes investies en lui, par des millions de citoyens, les populations nécessiteuses, les pauvres qui accompagnent son avènement par un soutien enthousiaste et une adhésion spontanée. La presse internationale, ayant couvert les funérailles du roi Hassan II et, une fois encore, mesuré sa popularité mondiale – Abdelaziz Bouteflika lui-même y fut présent – , s'est ensuite adonnée à son exercice préféré : « Qui est Mohammed VI » ? En filigrane, ont défilé ensuite interrogations, commentaires et conclusions contradictoires.
Le style de l'homme
Maurice Druon, membre de l'Académie française, ami du roi défunt, et à ce titre familier de quelques arcanes du palais, a tranché le nœud gordien du faisceau de supputations : « Ce Roi, écrit-il en substance dans une chronique du « Figaro », sera résolu à conduire son peuple vers le progrès. Il tient de son grand père, Mohammed V » ! En effet, il ne croyait pas si bien dire... Il a effectivement rompu les amarres, non pas avec l'héritage et le legs que son père lui a laissés, mais il a pratiqué le « spoil system » de toute l'histoire monarchique du Maroc, c'est-à-dire le changement radical en matière de gouvernance. Son premier déplacement à Casablanca en octobre 1999, avant sa tournée dans le Nord, en a donné l'avant-goût, parce qu'il a prononcé le discours initiateur d'une vision et d'une méthode : le « nouveau concept d'autorité », celui qui rapproche les citoyens de l'Autorité et fait de celle-ci le « serviteur » de ceux-là, et non le contraire ! S'étonnera-t-on si, quelques mois plus tard, il limogera sans état d'âme mais au nom de l'efficacité et des valeurs qui l'animent, l'inamovible ministre de l'Intérieur, Driss Basri, au pouvoir depuis 1983 et dénommé le « Vice roi » ?… Mohammed VI ira rendre visite à la famille, aux petits enfants de Abdelkrim El Khattabi, combattant rifain des années trente et quarante, exilé en Egypte, représentant ce Rif farouchement indépendantiste. Il libérera aussi les prisonniers politiques et ordonnera même qu'on ramène en son pays un certain Abraham Serfati, exilé à l'étranger par le pouvoir précédent, brillant ingénieur de confession juive, marxiste et militant actif qui a passé le plus clair de son temps dans un bagne... Il a réformé la Moudawana, le code de la nationalité, lancé les plus grands chantiers, portuaires, aéroportuaires, autoroutiers, du tourisme, de la santé, de l'éducation, il s'est rendu dans plusieurs pays d'Afrique, au moins par dix fois, annulé la dette contractée envers le Maroc par certains Etats du continent..
Dans le cadre du renforcement de l'Etat de droit, mis en œuvre par son défunt père quelques années avant sa mort, Mohammed VI a créé l'IER, l'Instance de Equité et de Réconciliation, confiée à un grand militant, Driss Benzekri, afin de promouvoir les droits de l'Homme et défendre les libertés citoyennes et promouvoir la démocratie. Sa mission a connu un succès dont beaucoup de pays se sont inspiré ! En avril 2008, le roi Mohammed VI a pris les devants dans l'inextricable dossier du Sahara et a proposé au Conseil de sécurité le Plan d'autonomie avancée, modèle de régionalisation à nul autre pareil dans le monde, anticipation politique de ce que sera le monde des régions dans un avenir proche, expression de sa volonté d'offrir une solution honorable, juste et durable, consensuelle aussi et de permettre à l'Algérie de sortir par la grande porte d'un conflit factice qu'elle a crée « ex nihilo » et de permettre aux populations du Sahara d'assurer leur autodétermination dans le cadre d'une souveraineté qui ne fait que se vérifie depuis la nuit des temps... Mohammed VI incarne l'homme de l'avenir, un guide messianique. Mais aussi un « homme pressé » ! En mars 2011, tandis qu'une contestation, alimentée par la chaîne « Al Jazeera » – marquée par des émeutes – ravageait la Tunisie, la Libye, l'Egypte, la Syrie, le Yémen et menaçait même d'autres pays arabes comme la Jordanie, il a pris les devants et, dans un discours prononcé le 9 de ce mois, il a annoncé sa volonté de changer – d'aucuns diront de « réviser » – la Constitution avec, à la clé, le projet d'élections anticipées en novembre 2011... Adoptée à la quasi unanimité le 1er juillet 2011, la nouvelle Constitution fait la part belle en termes d'attributions au gouvernement et à celui qui le dirige, appelé désormais Chef de gouvernement et non Premier ministre. Une « révolution copernicienne », une avancée spectaculaire qui a coupé l'herbe sous détracteurs du Maroc, prompts à instrumentaliser la contagion protestataire... Il a pris la réelle mesure du caractère impatient et surtout imprévisible de la contestation, il a donc paré au plus pressé, mais avec un chantier structurel à long terme ! L'urgence, chez lui, c'est moins de manifester l'autorité royale que de préserver la démocratie à laquelle, vaille que vaille, il demeure fortement attaché. L'arrivée au pouvoir du PJD en novembre 2011 et la constitution d'un gouvernement à la tête de laquelle un de ses dirigeants a été désigné, conformément à la Constitution, illustre la continuité et,surtout, l'exigence démocratique inscrite sur le fronton de son règne.


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