Quel état de santé l'Union constitutionnelle affiche-t-elle aujourd'hui ? Ce parti libéral est-il en mesure de peser dans les prochaines législatives ? Comment évalue-t-il son rôle dans l'opposition ? Quel bilan fait-il du mandat du gouvernement Jettou ? Les réponses de Mohamed Abied, fraîchement élu secrétaire général de l'UC. ALM : Après avoir été élu secrétaire général de l'Union constitutionnelle, avec quel projet, et dans quel état d'esprit, allez-vous conduire ce parti ? Mohamed Abied : Je tiens tout d'abord à signaler que le bilan positif que le 4ème congrès national de l'Union constitutionnelle a produit en termes d'idées, de conceptions et d'approches nouvelles, constitue la base essentielle de notre projet. Il revient donc au Bureau politique élu de définir les stratégies à court, moyen et long termes, pour la mise en application des orientations et des objectifs tracés par le congrès. D'ailleurs, notre parti dispose d'un programme politique, économique, social et culturel, actualisé et mis à jour par nos experts, amendé et approuvé à l'unanimité par les congressistes. Ce programme en lui-même est un plan d'action pour le parti, aussi bien au niveau régional qu'au niveau national. Quant à la conduite du parti, elle se fera dans un esprit d'entente, d'abnégation, de soutien mutuel et de primauté de l'intérêt général. Personnellement, je reste très confiant quant à l'avenir de l'Union constitutionnelle qui s'inscrit désormais dans une nouvelle dynamique, à savoir la dynamique d'un pays en marche et d'une jeunesse à mettre absolument en valeur. Avez-vous fixé des priorités pour votre prochaine action à la tête de ce parti ? Notre action s'inscrit dans la continuité. Après la mort subite de feu Abdellatif Semlali, nous n'avions d'autre choix que de veiller à la consolidation des rangs et à la sauvegarde de l'unité du parti. Nous avons réussi, Dieu merci, mais nous en avons également payé le prix. Maintenant pour ce qui est des priorités à fixer, des plans d'action à adopter, tout cela sera décidé lors des prochaines réunions du bureau politique. D'ailleurs, l'Union cons-titutionnelle a choisi une formule, disons, large du Bureau politique, qui est désormais composé de 51 membres, et un secrétariat national de 13 membres qui auront la tâche de préparer les dossiers. Tout ceci, nous l'avons fait dans un souci d'efficacité. Néanmoins, je peux dire que nous comptons poursuivre la stratégie que nous avons entamée avec la création des forums et qui vise à élargir le champ d'encadrement du parti pour englober plus de jeunes, de femmes et de cadres. Nous comptons également donner la priorité aux élections législatives, que nous voulons transparentes à tout point de vue et avec une forte participation des jeunes. Nous avons d'ailleurs élaboré notre stratégie électorale que nous appliquerons lors des élections prochaines. Quel état présente l'Union constitutionnelle en perspective des législatives de 2007 ? Votre parti a-t-il des chances de figurer dans le prochain gouvernement ? Nous avons commencé à nous préparer très tôt pour les élections législatives de 2007. Notre parti n'a pas été favorisé par le mode de scrutin par liste. Le résultat que nous avons obtenu en termes de voix, lors des législatives de 2002, qui était disproportionné avec le nombre de sièges nous a poussés à revoir notre démarche. Nous avons donc retenu la leçon et élaboré une approche nouvelle. Sinon, les électeurs ont toujours continué à nous accorder leur confiance puisque, en 2003, nous avons pu améliorer nos résultats lors des élections communales, puis lors du renouvellement du 1/3 sortant de la Chambre des conseillers en septembre dernier. La courbe de confiance des élections est ascendante. Nous ne pouvons que nous en réjouir. L'Union constitutionnelle est à pied d'œuvre pour affronter les élections prochaines avec le maximum d'atouts, couverture du maximum de circonscriptions, choix de candidats valables et crédibles, élaboration d'un programme électoral clair et répondant aux aspirations du citoyen, tels sont les moyens que nous avons préparés pour les prochaines élections. Etre ou ne pas être au gouvernement prochain, cela dépendra des résultats des urnes. Comment imaginez-vous la carte politique après 2007 ? Devant l'absence de moyens fiables de prospection et de sondage, et compte tenu de la culture relativement limitée d'un certain nombre de citoyens dans le domaine de la construction de positions fermes, il est hasardeux de se prononcer sur que ce sera la carte politique après 2007. Il est vrai que nous disposons d'éléments d'évaluation tels que le bilan négatif du gouvernement, le mécontentement et le marasme affiché par la société, l'état stagnant de notre économie et de nos entreprises, l'échec enregistré en matière de mise à niveau. Tous ces éléments nous poussent à croire que les électeurs chercheront une autre alternative qui ne peut être, d'après notre analyse, que celle de l'option libérale qui se renforce de plus en plus. Croyez-vous au « raz-de marée islamiste » lors des prochaines législatives ? Quel rapport avez-vous avec le PJD ? De façon générale, les raz-de-marée ne peuvent générer que des dégâts. En politique et dans le domaine des élections, en particulier, un raz-de marée signifie la consécration d'une certaine forme de pensée unique. C'est pour cela que j'écarte personnellement toute éventualité pareille, la base électorale au Maroc étant profondément pluraliste. Il n'y aura pas de raz-de-marée islamiste. Certes, les conjonctures socio-politiques peuvent favoriser ou défavoriser telle ou telle formation lors d'une échéance déterminée, c'est là l'essence même du jeu démocratique.Quant au rapport que nous entretenons avec le PJD, il est basé sur le respect mutuel et la coopération pour l'intérêt du Maroc. Nous sommes ensemble dans l'opposition. Donc nous sommes amenés à entreprendre des actions en commun. Nous partageons un certain nombre d'options et d'objectifs, mais il nous arrive de ne pas être d'accord sur d'autres choses. Et c'est tout à fait normal. Votre rôle dans l'opposition n'a pas été tout à fait à la hauteur des attentes. Qu'est-ce qui vous a empêché d'assumer pleinement cette tâche ? L'opposition, en tant que rôle démocratique et mission politique, n'a pas forcément le même visage et les mêmes manifestations à travers l'évolution démocratique d'un pays. L'opposition que pratique l'Union constitutionnelle a un aspect tout à fait particulier. Le gouvernement en place applique un programme libéral. La majorité gouvernementale est formée, entre autres, des partis libéraux. Il ne nous reste donc, comme marge de manœuvre, pour exercer l'opposition, que les méthodes et les approches d'application de ce programme auquel nous adhérons en quelque sorte. En outre, il faut ajouter que nous avons opté, dès le début, pour une opposition institutionnelle qui s'exerce au Parlement et par le biais de déclarations politiques responsables et médiatisées. Notre but est de rationaliser davantage l'acte d'opposition. C'est d'ailleurs ce que certains perçoivent comme un signe de faiblesse, ce qui est faux à notre avis. Quel bilan faites-vous du mandat du gouvernement Jettou ? Le gouvernement Jettou a disposé d'une majorité numérique des plus confortables, d'une série d'objectifs et de priorités limitées et définis à l'avance, et d'une conjoncture nationale marquée par la paix sociale. Ces atouts devraient lui permettre d'obtenir les meilleurs résultats en termes de mise à niveau globale du pays. Malheureusement, au lieu de cela, nous assistons à des manifestations en tous genres et en tous lieux, à un enseignement en déphasage total avec le marché du travail, à une entreprise nationale à la traîne, à une économie dépendante des conditions atmosphériques, à une justice et une administration toujours en attente de réformes et à une série de fléaux sociaux dont l'impact sérieux sur la croissance n'a pas encore convaincu le gouvernement d'agir. En résumé, le bilan de ce gouvernement est tout à fait négatif. La réforme constitutionnelle est-elle, à votre avis, nécessaire aujourd'hui ? J'insiste sur le fait que la Constitution doit refléter le degré d'évolution et de maturité de la société. Pour cela elle doit être vivante. Cependant, et vu que procéder à une réforme constitutionnelle suppose l'ouverture d'un vaste chantier qui nécessite toute une série de concertations d'analyses et d'évaluations, il est impératif de dissocier la revendication de réforme constitutionnelle de l'échéance électorale. Ceci dit, nous pensons qu'effectivement, il y a lieu de procéder après 11 ans d'application à une évaluation du degré d'application du texte constitutionnel et les raisons qui font qu'il n'est pas appliqué de la manière dont il devrait l'être. Nous pensons également que la proposition du Maroc concernant l'autonomie sous souveraineté marocaine des régions du Sud doit être réglementée par la constitution dans le cadre d'une vision globale de la gouvernance territoriale. Il va de même pour les prérogatives des deux Chambres qui doivent faire l'objet de plus précisions pour plus d'efficacité.Mais tout cela doit se faire, à notre avis, en dehors des périodes électorales. Quel genre de libéralisme prônez-vous pour le Maroc ? Le libéralisme social à visage humain qui valorise l'homme dans toutes ses dimensions et lui garantit les conditions de s'épanouir, de créer et de saisir toutes les chances possibles dans le cadre de la liberté, de la responsabilité et de la garantie des droits fondamentaux de l'homme. Qui est Mohamed Abied ? Un militant de l'action sociale à la tête d'un parti libéral ? La synthèse, paraît-il, est insolvable. Et pourtant, il y a un homme qui l'a réussie fort bien. Mohamed Abied, fraîchement élu SG de l'Union constitutionnelle, est venu au libéralisme par le biais du syndicalisme. Cet ingénieur de formation, né en 1941 à Casablanca, s'est dévoué très tôt à l'action syndicale. Rodé et érodé par tant d'années de militantisme au sein de l'Union marocaine des travailleurs (UMT), il a su donner un visage social au premier parti libéral marocain. Fort de son image de rassembleur, d'homme d'écoute et de consensus, il a, entre autres mérites, celui d'avoir su préserver l'unité de l'UC, en dépit de deux pertes douloureuses : décès de Maâti Bouabid et Abdellatif Semlali, deux pères fondateurs. Au-delà de ses grandes qualités humaines, M. Abied a su se forger une expérience exemplaire d'homme de terrain. Après avoir occupé le poste de directeur général adjoint de l'Office national de l'électricité (ONE), il a présidé pendant longtemps aux destinées de la ville de Casablanca. En 1976, M. Abied a été élu vice-président de la commune urbaine Mers-Sultan et de la communauté urbaine de Casablanca. Pendant cette période, M. Abied a su domestiquer les rouages de la machine communale, démontrant sa maîtrise de la gestion des affaires publiques. Après avoir imposé son image d'« homme élu » de Casablanca, devenant tour à tour président de la commune urbaine d'Anfa, de la communauté urbaine de Casablanca …, il sera appelé à une autre carrière à Rabat. En 1985, M. Abied sera nommé ministre de l'Artisanat et des Affaires sociales. Un poste qu'il a cumulé de 1985 à 1992, avec la charge de président de la communauté urbaine de Casablanca. Armé de cette expérience, fruit d'un travail patient, M. Abied compte insuffler au parti des libéraux, l'UC, une nouvelle dynamique. Après cinq ans passés dans l'opposition, cet homme compte conduire son parti vers la victoire lors des prochaines élections législatives.