La soixantaine flegmatique, le nouveau ministre RNI de la Pêche, Taïeb Rhafes, est un homme atypique, qui promène un regard détaché sur tout. Rencontre avec la révélation du gouvernement Jettou. Il dégage une espèce de sérénité propre aux hommes qui ont de la distance et du recul par rapport à tout, y compris par rapport à eux-mêmes. Une qualité rare par les temps qui ne courent plus, agités et troubles. C'est certain, Taïeb Rhafes, le tout nouveau ministre RNI de la Pêche, a de la profondeur. Il ne le montre pas, bien sûr. Mais cela se sent comme une brise d'été. S'il n'est pas actuellement dans la posture d'un ministre fraîchement nommé avec fière allure et torse bombé, il est par contre conscient qu'il n'aura pas volé sa consécration. Sous la modestie pointe un tempérament bien trempé. Natif le 23 décembre 1940 au lieu-dit Beni Bouhamdoune à Touissit (province de Jérada) connue pour ses mines de zinc et d'argent aujourd'hui fermées, voilà Taïeb Rhafes propulsé à la tête du département de la Pêche. Comment juge-t-il son entrée au gouvernement ? Une promotion, lâche-t-il sur un ton flegmatique. “ En dernier ressort, j'ai été choisi par S.M le Roi et par le Premier ministre “, conclut-il, refusant visiblement de s'étendre sur le sujet ou de se livrer à une quelconque genèse sur ce destin qui en a surpris plus d'un. Par contre, M.Rhafes est disert sur son dernier livre publié en 2002, intitulé “ quelle place pour l'économie marocaine à l'aube du troisième millénaire ?“. Où l'auteur en analyse les “atouts et les faiblesses“ tout en proposant une “charte nationale pour le développement économique et social“ pour le pays. C'est que Taïeb Rhafes maîtrise son sujet. Il est titulaire en 1969 d'un doctorat d'État en sciences économiques de la Sorbonne, décroché avec mention très bien comme il a tenu à le spécifier dans son long CV. La formation universitaire du docteur Ghafes est très riche. À son actif également, un diplôme supérieur de l'institut technique de banques à Paris (1971), un diplôme d'enseignement supérieur en sciences économiques de la Sorbonne (1965), une licence en sciences économiques de l'université Mohammed V de Rabat (1962) et un diplôme d'arabe classique obtenu dans la même ville (1960). Après avoir été fondé de pouvoir chez les assurances la concorde à Paris et assistant technique à la Caisse centrale de coopération dans la même capitale, il rentre au Maroc où il devient fondé de pouvoir au Crédit du Maroc et puis directeur central à la société de Banque et de Crédit, qui a fait faillite. Depuis 1970 jusqu'à aujourd'hui, M. Rhafes occupait le poste de directeur du centre de formation de la profession bancaire. Avec un tel parcours dans le domaine financier que valorise nombre de conférences aussi bien au Maroc qu'à l'étranger, il mériterait d'être l'argentier du Royaume d'autant plus que tous les banquiers de la place le connaissent. Mais l'intéressé ne va pas jusqu'à le dire, laissant à ses interlocuteurs le soin de le deviner en leur montrant toujours son CV long de deux feuillets avec cet air détaché mâtiné de sang froid et d'assurance. Cependant, le docteur Rhafes, fort de son itinéraire, ne sera ni à l'étroit ni à contre-emploi dans ses nouvelles fonctions de patron des pêcheurs de la côtière, de l'artisanale et de la hauturière. Celui-ci refuse pour le moment de s'exprimer sur la manière dont il appréhende sa mission. “ C'est encore tôt de parler de la politique que je tracerai pour le secteur“, affirme-t-il en donnant l'impression qu'il fera parler de lui et faire oublier rapidement son prédecesseur. Président de la commune rurale de Ras Asfour, depuis 1996, cet ami de Ahmed Osman n'a pas pu reconquérir son siège de député de Jerada à l'occasion des législatives du 27 septembre dernier. “ Pour être ministre, il n'est pas nécessaire d'être élu ou de gagner aux élections, indique-t-il. C'est même le contraire qui se produit souvent“. Le très enviable destin ministériel de Taïeb Rhafes a été accueilli par une salve de critiques à l'intérieur du parti. “ Les mécontents existent et existeront toujours, note-il. Et puis, il ne suffit pas seulement d'avoir de l'ambition. Encore faut-il être compétent“. Et le nouveau ministre de joindre l'acte à la parole en exhibant comme une carte magique son long CV avec l'air de dire : n'est pas Rhafes qui veut.