«Le grand voyage» d'Ismaïl Ferroukhi a participé dans la section panorama marocain de la 4ème édition du FIFM (6-12 décembre2004). Entretien avec ce réalisateur marocain résidant en France. ALM : Le public marocain vient de découvrir votre film «Le grand voyage» à la 4ème édition du FIFM. Mais comment est née votre rencontre avec le cinéma? Ismaïl Ferroukhi : Ce qui m'a poussé à faire du cinéma, c'est surtout mon envie d'écrire, de raconter une histoire. C'est comme ça que j'ai décidé de me lancer dans le domaine du 7ème art et de la réalisation. Au début, je ne connaissais rien en ce qui concerne les techniques du cinéma. Mais par contre, je savais très bien ce que je voulais passer comme message. Après mon premier court métrage «L'exposé» sorti en 1993, qui a connu un vif succès de la part des critiques et des cinéphiles, j'avais fortement envie de réaliser d'autres films. Ce succès m'a encouragé et m'a propulsé dans le métier du 7ème art. En 1998, je me suis lancé dans l'écriture de mon premier long-métrage «Le Grand voyage». Mais ma première rencontre avec le cinéma s'est déroulée dans les ciné-clubs. Quand j'étais jeune en France, ma mère adorait se rendre dans les ciné-clubs pour voir des films elle m'emmenait avec elle voir des films et je lui traduisais les paroles. C'est en quelque sorte elle qui m'a initié au cinéma. J'ai eu l'occasion de voir des tas de films, sans jamais connaître les titres, mais j'ai vécu de grands moments. J'ai vu des comédies musicales, des films américains etc. Et pour revenir au «Grand voyage». Comment est né le projet de ce film ? Encore une fois c'est toujours ma vie qui me ramène à ce projet du «Grand voyage». Quand j'avais 14 ans mon père a fait ce grand voyage jusqu'à la Mecque en voiture tout comme c'est le cas dans le film. Ce périple un peu fou m'a inspiré dans l'écriture du scénario de ce film. J'ai donc repris cet itinéraire jusqu'à la Mecque et j'ai voulu faire vivre ce voyage à travers deux personnages principaux, le père et le fils. Ces derniers ont du mal à s'entendre vu la grande différence d'âge. Ici, le film relate la question du conflit de génération. Qu'est-ce qui vous a le plus intéressé dans ce voyage vécu de façon imaginaire ? En réalité, le voyage à la Mecque n'est qu'un prétexte pour enfermer deux personnes totalement opposés -bien qu'ils soient père et fils- dans une voiture et les forcer à communiquer. Je voulais effacer cette image de père autoritaire et de fils rebelle. Dans la vie quotidienne cette confrontation n'aurait pas eu lieu puisqu'à la maison ils passent leur temps à s'éviter et à se fuir. En les enfermant dans une voiture c'est une façon de forcer le dialogue. Dans le contexte du voyage, les deux personnages ne peuvent plus s'éviter, ils ne peuvent plus fuir la confrontation. Ils sont obligés de se parler. Grâce à ce voyage, les personnages apprennent énormément. Le père et le fils vont finir par se rejoindre. Au-delà de tout cela, je souhaitais aussi m'adresser aussi bien aux jeunes issus de l'immigration qu'aux Musulmans plus âgés qui sont arrivés en France il y a très longtemps. Quelles sont les différentes difficultés auxquelles vous étiez confronté pendant le tournage du film ? Pour tourner en Arabie Saoudite, c'était très compliqué. L'autorisation qu'on avait décrochée à l'ambassade d'Arabie Saoudite n'avait plus beaucoup de valeur sur place. Les responsables locaux semblaient ne pas avoir l'habitude d'accueillir une équipe de cinéma qui a besoin de tourner deux ou trois fois la même scène. Une fois arrivés en Serbie, nous avons dû respecter le couvre-feu qui faisait suite à l'assassinat du Premier ministre. Mais globalement ça s'est bien passé, même si j'ai eu beaucoup de mal à trouver un producteur pour ce film. Le scénario du film a été écrit en 1998, mais ce n'est que cette année qu'il a pu se réaliser. Mais je me suis battu pour ce film et je continuerais de me battre avec l'aide du public qui m'encourage. Votre film est une coproduction franco-marocaine. Quel regard portez vous sur la coproduction et quel est son effet sur le rendement cinématographique ? Je pense personnellement que la coproduction a des côtés aussi bien positifs que négatifs. La coproduction est très interessante, mais à condition qu'on ne nous oblige pas à faire des compromis. Pour moi, il n'est pas question, de faire plaisir à qui que ce soit pour obtenir de l'argent. C'est pour ça que j'ai eu du mal à faire ce film. Je trouve qu'il faut rester sincère jusqu'au bout et ne pas chercher à séduire à tout prix pour pouvoir obtenir l'aide financière. C'est la dignité qui compte après tout.