Le ministre de la Communication, Nabil Benabdallah, construit une œuvre biographique dans des revues. Il parle de tout , sauf de son travail de ministre. Son enfance distinguée, ses amours au nombre illimité, rien n'est excessif pour un ministre qui laissera dans l'Histoire des traces bien ridicules. Le ministre de la Communication ne craint pas le ridicule. A chaque sortie, il provoque le rire. Et comme il aime beaucoup communiquer et qu'il a fini par épuiser, écumer tous les médias, il est entré dans la logique de l'hilare. Une espèce de culte du moi démesuré. Un héroïsme où chaque instant de sa vie revêt une extrême importance pour la nation. Vous ne le savez pas peut-être : Nabil Benabdallah est en train de fonder une œuvre pour la postérité. Dame ! on ne devient pas du jour au lendemain un Nabil Benabdallah. Dès l'enfance, il devait bien y avoir les prémices d'une brillante carrière. Une destinée ! Nabil est de la trempe des hommes marqués par le destin. Il n'a pas encore eu droit à un Flaubert décrivant le tempérament fougueux d'Hannibal frémissant des narines lorsqu'il était enfant. Nabil construit lui-même, dans diverses publications, son œuvre avec une aisance étonnante. Il commence depuis le début. Depuis l'enfance. “Les première années, j'étais assez timide. Puis je suis devenu très vite leader. On me suivait. J'étais assez frondeur. Sa allait parfois jusqu'à l'insolence avec les profs“. Ouaw ! le futur militant du PPS était forgé dans l'argile rare des décideurs. Ses camarades de classe étaient toujours collés à son dos. Et pour cause ! Et puis, Nabil a suivi un enseignement digne des hommes de qualité : la philo. C'était un fort en thème. Un insoumis, un rebelle à l'autorité. Il nous l'apprend avec des termes qui devraient s'inscrire en lettres gothiques. Histoire de souligner leur parenté avec les prouesses des chevaliers du Moyen-Age, marqués par le sceau du destin. “Un jour, le surveillant est venu s'asseoir en classe et a demandé quelles étaient les personnes qui refusaient de suivre les cours. Personne n'a osé broncher. Je me suis levé et les ai traités de trouillards. Les trois quarts m'ont alors suivi“. Encore ces satanés suiveurs, certainement toujours sur son dos ! De l'enseignement de la philo, Nabil tient son art de faire des poncifs. Des phrases extraordinairement banales qui doivent résonner dans son esprit avec la solennité des aphorismes. Toujours dans le chapitre de son autobiographie, Nabil bombe les pectoraux. Il ne fait plus de sport, il a été un brillantissime footballeur. Et il ose à propos du sport cette phrase stupéfiante : “Je crois que c'est l'un des domaines où l'homme a toujours tenté de donner le meilleur de lui-même“. Bien chanceux, celui qui saura épuiser toute la profondeur philosophique de cette phrase. Nabil Benabdallah restera aussi dans l'histoire pour être un fin connaisseur des choses de l'amour. Oui, le vrai amour, celui qui rapproche deux épidermes, celui qui lie un homme à une femme. Nabil est intarissable, douteusement loquace sur le sujet. Comme dans la chanson, il “ne regrette rien“. Pas même “les déceptions et les moments durs“. Et puis, il a sur le sujet des phrases charmantes : “on s'y brûle et on y revient“. Et même en amour, il n'oublie jamais sa manie de construire des phrases d'auteurs : “J'ai toujours considéré que je ne pouvais faire ma vie s'il n'y avait un socle sentimental“. On savait bien que notre homme rêvait de dresser une statue qui résiste à l'usure du temps, mais alors là, on ignorait qu'il voulait en plus la prolonger d'un socle pour l'élever encore plus haut. Dans cette statue qu'il veut nous léguer, Nabil a un faible pour les confidences intimes. Dans un entretien, l'homme nous chante très fort, en marocain cette fois-ci, les mile tre (1003 en italien) de “Don Giovanni“ de Mozart. Sa liste est même légèrement plus longue que celle du légendaire séducteur. Don Juan n'aurait pas osé s'enorgueillir comme Nabil Benabdallah en ces termes : “avec les femmes, j'ai eu énormément de relations“. On imagine qu'elles n'étaient pas toutes épistolaires. Tout cela peut se comprendre dans une conversation entre hommes, fiers d'étaler leurs tableaux de chasse. Mais pour poser une question philosophique à un ministre féru de philo : quel intérêt a un lecteur marocain à connaître le nombre des conquêtes féminines de son ministre de la Communication ? Aucun, comme pour le reste.